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Chroniques en collaboration avec le Centre d’enseignement du français de McGill

Clément Veysset | Le Délit

Cette semaine, Le Délit vous présente le fruit de la deuxième édition de son projet collaboratif avec le Centre d’enseignement du français à McGill (CEF). Dans le cadre du cours « FRSL 449 – Le français des médias », les étudiant·e·s en apprentissage du français comme langue seconde ont été invité·e·s à soumettre des chroniques qui portent sur des faits marquants de l’actualité, culturelle ou politique, d’ici ou d’ailleurs. Ayant pour thème commun « Une image vaut mille mots », les chroniques développent les points de vue personnels des auteur·rice·s sur les enjeux sociaux illustrés dans des œuvres d’art ou des photos journalistiques qui ont attiré leur attention. Ces textes, préalablement révisés dans un contexte académique par la professeure Élisabeth Veilleux, ont par la suite été sélectionnés pour être publiés dans Le Délit. Nous vous présentons donc notre sélection des deux meilleures chroniques.


** Les illustrations qui figurent ci-dessous ont été créées par les illustrateur·ice·s du Délit et s’inspirent librement des images originales.

Lorsque le Deepfake n’est plus amusant

« Quand le pape est-il devenu si stylé ? » C’était la question qui tournait dans toutes nos têtes lorsque nous avons vu circuler cette image du pape dans son manteau blanc. Nous avons vite réalisé que l’image n’était pas véritable, mais quand même, nous avons été choqués par le réalisme de cette photo générée par Mid-journey, un programme d’intelligence artificielle (IA) générative. Même Chrissy Teigen, célébrité américaine, a tweeté qu’elle pensait que le manteau du pape était vrai, sans avoir pris un moment pour y réfléchir. « Il n’y a aucune chance que je survive au futur de la technologie », a‑t-elle écrit. Alors, Chrissy, le sentiment est partagé. 

L’année 2023 est sans aucun doute l’année de l’IA. On a assisté à l’émergence de nombreuses applications et sites web d’IA tels que DALL‑E et Mid-journey, qui ont la capacité de créer des images selon des instructions. Cette fonction a fasciné le monde entier, et tous veulent maintenant tester cette créativité facile. Il suffit d’entrer une description simple et l’IA fera le travail pour vous.

Néanmoins, l’IA est également apte à estomper la frontière entre la réalité et la fiction, ce qui a été le cas pour l’image du pape. Bien que celle-ci ait été destinée à faire rire, il y a plusieurs risques et dangers liés à l’usage de l’IA générative. D’abord, il y a le risque d’une réécriture de l’histoire. Selon William Audureau, journaliste pour Le Monde, depuis le lancement de la cinquième version de Mid-journey en mars 2023, et avec la démocratisation de l’IA générative, il n’a jamais paru aussi facile de changer l’histoire à travers des illustrations factices. Audureau a illustré son propos avec une photo de Rosalind Franklin générée par l’IA. La photo montre Franklin recevant le prix Nobel, alors qu’en réalité, elle ne l’a jamais reçu. Que se passet-il quand on ne se souvient plus de l’histoire ? Cette question devient plus importante lorsqu’on parle des pays autoritaires dans lesquels le gouvernement tente de falsifier l’histoire pour son propre bénéfice. 

« Bien que celle-ci ait été destinée à faire rire, il y a plusieurs risques et dangers liés à l’usage de l’IA générative »

De plus, on a le problème des hypertrucages modernes (« deepfakes » en anglais), qui sont des images,
des vidéos, ou des audios comportant une modification de l’apparence ou de la voix d’êtres humains. Peut-être avez-vous déjà vu les hypertrucages de Taylor Swift sur X qui montrent la chanteuse soutenant Donald Trump ? Les hypertrucages sont aussi beaucoup utilisés en pornographie. Par exemple, pendant une diffusion en continu, Brandon « Atrioc » Ewing, un streamer sur la plateforme Twitch, a accidentellement révélé qu’il regardait une vidéo pornographique « deepfake » d’une streameuse. À cause de la facilité à créer un hypertrucage, de plus en plus de personnes sont devenues victimes de cette technologie, et beaucoup d’entre elles sont des femmes.

À l’inverse, les gens sont également de plus en plus susceptibles de voir une image réelle (par exemple, de la guerre) sans pour autant y croire. Cette tendance deviendra plus évidente à mesure que nous nous habituons à la désinformation. Cela peut être dangereux, car nous mettrons beaucoup de temps à reconnaître les personnes qui ont besoin d’aide.

« Il n’a jamais été aussi important d’avoir un raisonnement analytique et de vérifier la source des informations qu’on lit »

En conclusion, l’ère de l’IA en est une qui suscite l’enthousiasme, mais représente aussi un moment où il faut être plus prudent. Il n’a jamais été aussi important d’avoir un raisonnement analytique et de vérifier la source des informations qu’on lit. En même temps, quand on voit des hypertrucages qui circulent en ligne, il faut les signaler. Je suis certaine que nous allons avoir plus de lois pour nous protéger contre la désinformation. Pendant ce temps, restez vigilants et assurez-vous d’utiliser l’IA avec prudence et bienveillance !

Clément Veysset | Le Délit

Coupe du monde féminine de football : comment une publicité a permis de revoir les points de vue biaisés du grand public

Le football est un sport largement connu qui compte des millions de supporteurs à travers le monde. Par contre, ce sport adoré est sujet à beaucoup de misogynie. En juillet 2023, une vidéo publicitaire a fait sensation dans les médias lors de la Coupe du monde féminine de football. Celle-ci a été diffusée par l’entreprise française Orange FR avec le but de briser les barrières de la misogynie. Elle consistait en une compilation de vidéoclips impressionnants de l’équipe masculine de football française, les Bleus, incluant le joueur Kylian Mbappé, et terminait avec le message « Il n’y a que les Bleus pour nous procurer ces émotions ». La vidéo publicitaire disait ensuite « Et pourtant, ce n’est pas eux que vous venez de voir », et a fait la transition vers les éditeurs, qui utilisaient l’intelligence artificielle, pour montrer que ces vidéoclips étaient en réalité des moments de jeu exceptionnels de l’équipe féminine de football de France, les Bleues, incluant la joueuse Wendie Renard. En faisant cela, ils ont voulu démontrer que les filles sont aussi bonnes que les garçons.


Les médias sociaux sont fréquemment utilisés de nos jours, et les équipes féminines de football ont une présence importante sur les réseaux comme Instagram. Quand vous regardez les commentaires, il est fréquent de retrouver des commentaires négatifs comme « Qui va regarder cela ? » ou « C’est meilleur chez les hommes ». Pour appuyer mon argument, Cristiano Ronaldo, joueur de l’équipe de football portugaise, a remporté le titre du plus grand nombre de buts marqués au niveau international, avec 110 buts. En réalité, sept femmes, dont Christine Sinclair de l’équipe canadienne avec 190 buts marqués, avaient déjà remporté ce titre, mais n’ont pas reçu de reconnaissance publique.

Après la création de cette vidéo publicitaire, beaucoup de choses ont changé. L’équipe d’Orange FR a créé la vidéo pour montrer son soutien à la Coupe du monde féminine de football, mais elle n’avait pas imaginé que cette vidéo allait avoir de telles répercussions. La publicité a attiré l’attention d’environ cent millions de spectateurs à travers le monde, et une pluie de réactions positives. « C’est bon ! », a tweeté en français l’ancien capitaine de football anglais Gary Lineker. De plus, une station de radio australienne, le Sydney Morning Herald, a affirmé que la vidéo publicitaire avait aidé à « déconstruire les stéréotypes de genre ». Avec d’autres réactions positives de joueurs professionnels, les joueuses de football ont finalement eu un important moment de reconnaissance.

« En réalité, sept femmes, dont Christine Sinclair de l’équipe canadienne avec 190 buts marqués, avaient déjà remporté ce titre, mais n’ont pas reçu de reconnaissance publique »

Je joue au football depuis mon enfance, mais j’ai toujours été très sensible aux commentaires négatifs et au traitement de faveur reçu par les garçons. Des actes aussi simples qu’acheter des uniformes de garçons, qui ne vont pas aux filles, ou empêcher les filles de jouer au football avec les garçons mettent en relief les perceptions biaisées d’un grand nombre d’individus. La vidéo m’a vraiment touchée et je sais que je ne suis pas la seule. J’espère qu’il y aura d’autres vidéos comme celle-là, et que les femmes et les hommes seront un jour vus comme égaux dans le monde du sport.

Pour conclure, cette publicité a brisé les barrières de la misogynie, et pour preuve, la Coupe du monde féminine de football a attiré près d’un milliard de spectateurs en 2023, dépassant les niveaux atteints les années précédentes. On continue à combattre la discrimination de genre, mais malheureusement, il y a des expériences négatives tous les jours envers les footballeuses et d’autres sportives. Cependant, les vidéos publicitaires de ce genre ont, et continueront d’avoir un grand impact sur ce sport magnifique !


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