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Drôles de plastiques

Les multiples impacts de la pollution plastique et les limites du recyclage.

Dominika Grand'Maison | Le Délit

Le monde entier produit au total plus de 400 millions de tonnes de plastique par an. Ce matériau fait partie intégrante de notre vie : on le retrouve dans la médecine, l’éducation, le textile, le numérique, et évidemment, dans l’alimentation. L’industrie du plastique a connu une croissance exponentielle depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, notamment parce que les armées en avaient besoin pour leurs équipements, ce qui a encouragé
des capacités de production importantes. Le monde croule aujourd’hui sous les tonnes de plastique, qui prennent entre une dizaine d’année (10 ans pour un mégot) et des centaines (450 ans pour une bouteille en PET, Polyéthylène-téréphtalate) à se décomposer.

En 2050, il y aura plus de microplastiques (particules de plastique de moins de cinq millimètres) dans les océans qu’il y aura de poissons. Chaque année, les poissons vivant entre 100 et 200 mètres de profondeur ingurgitent au total entre 12 et 24 000 tonnes de plastique. Pour ce qui est des sols, ceux-ci pourraient avoir une concentration
en microplastiques entre 4 et 23 fois supérieure aux océans. Face à ce tsunami de déchets, une solution existe et revient toujours dans les conversations portant sur l’écologie et dans les publicités : le recyclage. Cette industrie de 37,6 milliards de dollars semble donner aux consommateurs (généralement dans les pays développés) un espoir face aux montagnes de plastique qui croissent due à la consommation de plus en plus importante de l’Homme. Cependant, derrière cette image quasi parfaite du recyclage, qui promet de pouvoir continuer à consommer de la même façon de manière écologique, se cache une réalité beaucoup plus complexe.

Le recyclage, une solution réellement écologique ?

Aujourd’hui, le recyclage est présenté comme une partie de la solution, mais la réalité est bien différente. Tout d’abord, seulement la moitié des plastiques produits sont recyclables. De plus, à l’échelle mondiale, seulement 9% de ceux-ci sont réellement recyclés. De ces plastiques recyclés,12% sont incinérés et 79% sont accumulés dans des décharges ou dans la nature. Au Canada, nous pouvons penser que ce n’est pas le cas. En effet, nous vivons dans un pays développé où le tri est largement démocratisé, mais en réalité, c’est seulement 14% de
nos déchets qui sont recyclés. À titre de comparaison, la moyenne européenne est de 41%. Le processus
n’est toutefois pas aussi vert que ce que l’on peut penser.

« En 2050, il y aura plus de microplastiques (particules de plastique de moins de cinq millimètres) dans les océans qu’il y aura de poissons »

Le recyclage est une entreprise, puisque les pays et les compagnies cherchent avant tout à faire des bénéfices avec le plastique. Aujourd’hui, la stratégie du recyclage est d’envoyer les déchets dans des pays en développement – notamment en Malaisie – pour qu’ils y soient recyclés ou brûlés. Or, ces pays font face à une
telle masse de plastique qu’ils ne peuvent pas traiter tous les déchets, qui se retrouvent alors dans des décharges illégales près d’habitations, et surtout loin de leur consommateur d’origine. D’autre part, le processus de recyclage est très polluant et dangereux pour la santé. La combustion du plastique afin de le faire fondre et créer du nouveau plastique émet non seulement des gaz à effet de serre, mais aussi des substances toxiques pour l’humain. C’est donc un processus très mauvais pour la santé des populations proches des raffineries, des usines de recyclage ou encore des décharges. Sans compter que ce type d’usine puise généralement son énergie dans les énergies fossiles, ce qui alourdit encore le bilan écologique du recyclage.

Certaines entreprises et groupes politiques continuent néanmoins d’utiliser l’argument du recyclage dans leurs programmes environnementaux, celui-ci conservant une image de solution écologique. Cependant, cet argument fait miroiter depuis près de 50 ans de fausses promesses. Le recyclage s’inscrit toujours dans une logique productiviste, c’est à dire que le but reste de produire toujours plus de produits à recycler pour nourrir une industrie et lui permettre de fonctionner et de faire de l’argent. Il permet de justifier l’utilisation du plastique et
de relativiser son impact sur l’environnement, et ne pousse pas à l’arrêt de sa consommation. Cette industrie est en fait, comme bien d’autres, tournée vers le profit. Le recyclage ne remet pas en cause le système capitaliste qui vise à la consommation et à la croissance économique. Il s’agit d’un argument de l’industrie pétrolière pour continuer à produire et à consommer de la même façon. Malgré les promesses de réduction de l’utilisation de plastique faites par les industriels, leur objectif reste la consommation. Le cas de la ville de Laredo au Texas en est un exemple : après avoir passé une loi interdisant l’utilisation des sacs de plastique à usage unique, l’industrie pétrolière a attaqué cette municipalité en justice et l’a traduite devant la Cour suprême du Texas pour empêcher
cette loi d’être appliquée.

L’industrie pétrolière a finalement obtenu gain de cause. Cet exemple montre qu’au-delà des déclarations des différents gouvernements (ici le gouvernement étasunien), l’industrie pétrolière conserve une influence importante sur les décisions des États, qu’elle a le pouvoir d’adapter en faveur de ses intérêts privés.

« Le recyclage ne remet pas en cause le système capitaliste qui vise à la consommation et à la croissance économique »

Quel impact le plastique a‑t-il sur notre santé et celle de la planète ?

Le plastique a un impact sur notre santé difficile à mesurer, mais qui ne peut être négligé. Nous savons que celui-ci contient des perturbateurs endocriniens qui affectent la fertilité et augmentent le risque d’obésité, d’asthme, de diabète, de puberté précoce, ou encore de cancers (notamment du sein, multiplication par 5 des risques). Ces dangers pour la santé humaine risquent de devenir beaucoup plus importants, à cause de l’exposition grandissante au plastique, que ce soit dans l’alimentation ou dans les objets du quotidien. Sans oublier la pollution entraînée par sa production même, qui émet des substances toxiques pour les populations à proximité des usines.

Le plastique a un effet direct sur notre santé, mais aussi sur lafaune et la flore. Il contribue à l’augmentation des risques d’une sixième extinction de masse en détruisant des écosystèmes entiers. Cette destruction peut être indirecte, par le dérèglement climatique dû aux gaz à effet de serre, ou directe, par la destruction des habitat à cause des déchets et par l’extraction du pétrole nécessaire à sa production. En effet, la production de plastique contribue à 13% des émissions de gaz à effet de serre et représente 12% de la consommation mondiale de pétrole.

Quelles solutions pour lutter contre le plastique ?

Comme toujours, le consommateur a un rôle à jouer. Il y a des solutions qui existent qui impliquent de simples changements d’habitudes. On peut, tout d’abord, commencer par arrêter d’acheter des bouteilles en plastique et
privilégier remplir soi-même une bouteille de verre (ancienne bouteille de vin, par exemple) ou une bouteille réutilisable. Par ailleurs, on peut préférer l’achat de canettes plutôt que de bouteilles – le métal étant recyclable à l’infini et moins polluant. Ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. En bref, il faudrait acheter moins – ou même arrêter d’acheter – de produits emballés ou contenant du plastique.

Néanmoins, le consommateur n’est pas le seul à blâmer, loin de là. Si nous sommes responsables de la demande, les gouvernements et les entreprises sont responsables de l’offre et de la production. Il faut donc sensibiliser les personnes autour de soi et ne pas oublier de faire soi-même des efforts pour changer les choses et se diriger vers un monde plus durable.


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