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La Faculté de musique de McGill : un avenir incertain

Des étudiantes témoignent sur les répercussions de la hausse des frais de scolarité.

Dominika Grand'Maison | Le Délit

Dans un communiqué diffusé le 2 novembre dernier, le Principal et vice-chancelier de l’Université McGill, Deep Saini, a décrit la hausse des frais de scolarité pour les étudiants canadiens hors province comme une « menace à la culture même de McGill ». La décision gouvernementale pourrait se traduire par la perte de « 700 emplois », entraîner la dissolution des équipes sportives des Redbirds et des Martlets ainsi que compromettre la réalisation de grands projets d’infrastructures. Le Principal souligne que la décision du gouvernement provincial aura des répercussions sur plusieurs facultés, notamment en Sciences de l’agriculture, de l’environnement et de l’éducation, et plus particulièrement l’École de musique Schulich, dont l’avenir pourrait être mis « en péril ».

Schulich particulièrement fragile ?

L’école de musique Schulich, composée de deux principales orientations, l’interprétation et la recherche musicale, comptait à l’automne 2022 851 étudiants inscrits à temps plein et à temps partiel, soit environ 2,2% de la population étudiante. Parmi les étudiants de premier cycle en musique, ils proviennent « à près de 40% de l’extérieur du Québec », selon les chiffres avancés dans le communiqué de Deep Saini. Une baisse du nombre d’étudiants canadiens hors province pourrait avoir comme effet de modifier la composition du corps étudiant de la Faculté de musique.

Elizabeth Wirth, présidente du comité consultatif de la faculté de l’École de musique Schulich, a déclaré que malgré l’annonce gouvernementale, les bourses et l’aide financière accordées aux étudiants de l’extérieur du Québec seront préservées. Elle explique toutefois qu’une telle mesure pourrait causer du tort à la Faculté de musique dans sa mission de « demeurer la meilleure école de musique au Canada ». En 2016, l’École était classée au 26e rang dans le Classement mondial des universités QS.

Les inquiétudes chez des étudiantes en musique

En entretien avec Le Délit, Daisy Marroquin-Gil, étudiante en concentration interprétation en trombone, s’inquiète de l’impact de cette hausse des frais de scolarité sur la « réputation et la qualité de la Faculté de musique ». Selon elle, cette mesure pourrait limiter les choix d’orientation et de parcours : « Si l’École est moins financée, s’il y a moins de professeurs pour donner les cours, on aura moins de choix et on devra composer avec un parcours plus restreint. » Catherine*, étudiante de quatrième année en musique à McGill, évoque pour sa part un « manque matériel » dans la Faculté, qui serait exacerbé par la mesure gouvernementale : « Les professeurs sont souvent dans l’incapacité de réserver des locaux de pratique, qui sont pourtant essentiels pour permettre aux étudiants de s’améliorer. » Selon elle, ce problème d’espace s’ajoute au financement déjà insuffisant accordé à l’École. « Lorsqu’on fait la demande de remplacer certains lutrins ou des amplificateurs défectueux, on nous rétorque qu’il n’y a pas de budget disponible », renchérit-elle.

« Les professeurs sont souvent dans l’incapacité de réserver des locaux de pratique, qui sont pourtant essentiels pour permettre aux étudiants de s’améliorer »

Catherine*, étudiante en musique à McGill

Les deux étudiantes s’entendent au sujet de l’apport significatif des étudiants étrangers dans le monde de la musique à Montréal. « Je trouve que les personnes de l’extérieur du Québec contribuent à rendre l’univers de la musique au Québec plus riche et vivant. Je peux comprendre que le gouvernement ait d’autres priorités, mais c’est l’aspect [celui de la diversité en musique, ndlr] qui me semble vraiment délaissé », explique Daisy. Catherine explique que l’attrait de Schulich réside dans la grande variété d’ensembles musicaux, en passant par les orchestres jazz, baroques, à vents, à cordes et vocaux. « Malgré qu’on ait nombreux des meilleurs professeurs de musique du pays et la crème de la crème des étudiants en musique à l’international, le manque de locaux de répétition ou d’équipement vient souvent faire perdre du temps de cours et augmenter la frustration de tous », explique-t-elle.

Catherine évoque également un « retard » chez les étudiants en musique issus du système d’éducation secondaire québécois par rapport aux étudiants en jazz en Colombie-Britannique, qui sont formés musicalement plus tôt et peuvent ainsi enrichir les cours à McGill en partageant leurs connaissances aux autres étudiants. La hausse des frais de scolarité nuirait selon Catherine au « développement du jazz en empêchant l’expression de la créativité musicale au Québec ». Selon l’étudiante, si la mesure gouvernementale applique une hausse des frais de scolarité dès l’automne 2024, c’est bien le signe que « la qualité et l’importance des réalisations de Schulich [ne sont pas reconnues, ndlr] à leur juste valeur ».

*Prénom fictif


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