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Besoin d’un corps vide

Quand la finesse devient une obsession.

Anouchka Debionne | Le Délit

Je ne serai jamais aussi vide que je l’ai été. Mon ventre ne sera jamais aussi plat. Mon âme et mon bonheur non plus. Tous, vous me l’avez fait dire :
« Je suis grosse. »
« J’ai une couche en trop. »

Par vos compliments 

vos remarques

vos remarques que j’ai prises pour des compliments

Au début, je me laissais couler sur une pente que je pensais bonne
Je perfectionnais mon alimentation et je courais, j’évitais la sensation d’un ventre trop plein 

Ce n’est que quand on a commencé à me dire que j’étais fine que j’ai commencé à le voir

que j’ai commencé à l’aimer
qu’une addiction consciente a commencé

mon ego s’est greffé au ventre plat, aux côtes découvertes et à l’espace entre mes cuisses 

un idéal que je pensais avoir laissé au passé, avec mon corps prépubère
et à force de faire attention, de restreindre les portions
j’étais tombée dans ce corps nouveau, que je ne voulais plus jamais laisser repartir

me quitter de nouveau pour des pâtes, une cuillère de yaourt ou une demi-banane de trop 

je n’ai pas faim

je dois rester fit si je veux pouvoir rester fit
un biscuit en trop et ça recommencera à tourner dans ma tête -

Alors je dois maintenant m’affranchir
arrêter d’adorer cette image passée
réaliser que les choses peuvent être vécues, pensées, faites autrement
et je dois passer par la détestation des images de cet ancien corps vide, adoré par d’autres, ce corps qui ne veut pas mon bien pour apprendre à écouter celui qui me permet d’écrire ces lignes
Je veux combler les creux vicieux de l’addiction

en apprenant à relativiser
qu’il y a bien plus dans ce monde à explorer

que la spirale malsaine de mon imagination.


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