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Entre minimisation et diabolisation de la dépendance

Rose Chedid | Le Délit

Cette semaine, Le Délit vous propose une édition spéciale sur les dépendances, les addictions et les obsessions. Le concept d’addiction entretient un sens très proche avec celui de dépendance, « le premier étant généralement défini par le second » selon la Banque de dépannage linguistique. Le phénomène d’obsession doit cependant en être distinct, même s’il peut être corrélé avec certaines formes de dépendance. Comment rendre compte des spécificités de chacune de ces conditions, sans pour autant les réduire à des catégories médicales ou sous-estimer la souffrance des personnes qui les vivent ? Voici un petit guide non exhaustif pour mieux s’y retrouver à travers les notions de troubles addictifs ou obsessionnels.

L’obsession n’est pas une addiction

L’obsession consiste en des idées ou des images, notamment sous forme d’angoisses et de peurs irrationnelles, qui se manifestent à l’esprit de manière persistante. Il faut encore la distinguer du trouble obsessionnel compulsif (TOC), qui amène les personnes atteintes à concrétiser leurs obsessions à travers des actes (lavage des mains excessif par peur de contamination, par exemple).

Les comportements compulsifs peuvent s’apparenter à des addictions par leur difficulté à être contrôlés ou à leur mettre fin. Or, ces deux notions sont foncièrement différentes, et il peut très bien avoir présence de l’une en l’absence de l’autre. Les compulsions peuvent être neutres ou déplaisantes, alors que « la dépendance implique des substances ou des comportements qui offrent une récompense. Ils peuvent procurer du plaisir, de l’excitation ou de l’évasion. Bien qu’ils puissent être nocifs dans l’ensemble, l’activité elle-même reste agréable, même si ce n’est que temporairement », comme nous l’explique un article scientifique paru dans MedicalNewsToday.

La dépendance se manifeste donc le plus souvent à travers le besoin irrépressible de consommer une substance (alcool, tabac, drogue). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) la décrit comme « un état psychique et parfois physique, résultant de l’interaction entre un organisme vivant et un produit, caractérisé par des réponses comportementales ou autres qui comportent toujours une compulsion à prendre le produit de façon régulière ou périodique pour ressentir ses effets psychiques et parfois éviter l’inconfort de son absence ».

Et si la dépendance pouvait être positive ?

La définition de l’OMS a peut-être pour seul défaut d’omettre que la dépendance peut se manifester aussi à travers l’accomplissement d’une activité.

Il est donc possible d’envisager cette notion non plus seulement en fonction du degré de nocivité des substances ingérées. Le phénomène des « addictions positives », rendu populaire par le psychiatre américain William Glasser en 1976, s’intéresse à la course à pied et à la méditation comme des pratiques dont le potentiel « addictogène » contribue à créer une dépendance bénéfique pour le corps et l’esprit.

Or, même les activités physiques peuvent se révéler mauvaises lorsqu’elles sont pratiquées à l’excès. Le sport pratiqué outre mesure ne cache-t-il pas lui aussi son lot de comportements et d’habitudes malsaines qui méritent d’être élucidés ? On pourrait penser à l’apparition de troubles alimentaires liés à la poursuite obsessive du corps parfait, ou même à la tentation de consommer des stéroïdes anabolisants à usage récréatif chez les jeunes adeptes de salle de musculation.

Sur la question des activités, certaines pourraient être plus insidieuses que la dépendance aux substances. L’addiction aux jeux vidéo, dans la mesure où ses effets néfastes ne sont pas directement observables sur la santé physique du joueur, impactent plutôt sa santé mentale, sa vie sociale ou académique, et l’empêchent d’accomplir d’autres activités. C’est lorsqu’il y a un empiètement disproportionné de la sphère virtuelle sur la sphère réelle que l’usage des jeux vidéo devient problématique, selon le psychiatre et docteur en neurosciences Olivier Phan.

Demander de l’aide nécessite du courage

Il n’y a nulle prétention ici de porter un regard clinique sur les dépendances et les obsessions, qui sont des phénomènes complexes en interaction avec une foule de facteurs sociaux, mentaux, environnementaux et génétiques. Leur consacrer une édition spéciale peut toutefois sensibiliser à ces troubles qui sont parfois mal compris et mènent à l’isolement des personnes touchées.

L’identification d’une addiction et la progression à travers les étapes du sevrage sont des processus qui demandent du courage. L’accompagnement d’une personne touchée par l’un de ses troubles, du diagnostic jusqu’à son traitement, peut s’avérer crucial. Voici quelques ressources en libre accès qui peuvent être utiles :

Tel-jeunes (Région de Montréal) : 514 288‑2266

Le site gouvernemental Alcochoix+ propose différentes formules d’accompagnement pour les gens touchés par une dépendance à l’alcool.

Le Centre universitaire de santé de McGill offre également des services de traitement de la dépendance aux substances : 514–934-8311


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