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Thérapie cinéphile

Célia Pétrissans présente deux coups de coeur.

Marie Prince | Le Délit

Tár – par Todd Field (2022)

La première fois, je suis restée bouche bée, comme enchantée par Cate Blanchett. La deuxième fois, je souriais devant l’écran, trépidante, jubilante, Lydía Tár s’est agrippée à moi jusque sous ma douche où, au lieu de chanter, je débattais avec moi-même de toutes les strates de son être. Je l’ai revu deux autres fois, urgeant mes amies de m’accompagner dans cette interminable fascination. Lydia est une cheffe d’orchestre originaire de la ville de New York. Nous la rencontrons au sommet alors qu’elle s’apprête à enregistrer la cinquième Symphonie de Gustav Mahler avec la Philharmonie de Berlin qu’elle dirige, et que son livre, modestement intitulé Tár on Tár, est sur le point d’être publié. Au même moment, elle apprend le suicide d’une certaine Krista Taylor, une homologue dont elle aurait empêché la carrière de démarrer. Ce pouvoir que détient Lydia est le sujet du film, tout comme la corruption qui l’anime, les petites faveurs qu’elle accorde à celles qui répondent à ses demandes, et son monde façonné par les mensonges qui la plonge dans le délire. Alors que nous sommes complètement immergé·e·s dans son esprit, que nous voyons Lydia tituber du piédestal sur lequel il avait été placé. Nous oscillons entre le rêve et le cauchemar. La réalité est complètement déformée, elle nous pose des questions sans y apporter de réponses. Les nuances prennent la forme de son assistante Francesca, jouée par Noémie Merlant, de Shannon, sa compagne, jouée par Nina Hoss, et de leur fille Petra. Le son fait entièrement partie de cette réflexion, la musique est le noyau de Lydia, elle berce la vie de chaque personnage, les réunit et les sépare.

Mon commentaire sur Letterboxd : « ce film est une drogue » 

Note (absolument pas biaisée par mon obsession pour Cate Blanchett) : 5/5

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Les années Super 8 – par Annie Ernaux et David Ernaux-Briot (2022)

Annie Ernaux apparaît sur l’écran. On est au début des années 70, c’est la première fois que je vois une vidéo d’elle, une scène intime, familiale, capturée par cet objet si violent qu’est la caméra. L’appareil interrompt la tranquillité domestique et nous offre, à 50 ans de distance, un aperçu de la vie d’une future écrivaine, aujourd’hui Prix Nobel. Je crois avoir pleuré toute la séance, je lui disais merci, je la regardais dans les yeux. Elle m’avait déjà vue il y a deux ans quand pour la première fois j’ai entendu, et non pas lu, une phrase écrite de sa main, restée dans ma mémoire jusqu’à ce que j’achète enfin ce livre, le fameux La Place. Les images filmées avec une Kodak Super 8 montrent les vacances en famille, les rires, et la distance s’installant au sein du couple. Annie Ernaux décrit en off ses souvenirs de moments qui n’ont pas été racontés dans ses livres. Elle parle de ses sentiments, de sa posture par rapport aux autres, toujours en retrait, toujours un pied à l’extérieur, l’écrivaine observant le monde. J’aurais voulu passer toute la journée en compagnie de sa voix, m’accrocher à cette tendresse que l’on retrouve dans l’universalité de ses événements.

Mon commentaire sur Letterboxd : « Je regarde ma collection de ses livres, mes notes, mes larmes séchées sur le papier. Je n’ai même pas à me demander pourquoi ses histoires me touchent autant, je le sais, elles sont en quelque sorte aussi les miennes. »

Note : 4/5


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