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La RBC au cœur de la tempête

L’association de McGill avec la Banque royale du Canada critiquée par des voix écologistes et anti-coloniales.

Marie Prince | Le Délit

Le samedi 5 novembre dernier, une trentaine de manifestant·e·s se sont réuni·e·s sur la rue Sherbrooke devant la succursale de la Banque royale du Canada (RBC) sur le campus de l’Université McGill afin de protester contre l’association des Universités McGill et Concordia avec cette banque. Les activistes reprochent à l’institution financière ses investissements importants dans le secteur des énergies fossiles. Parmis les contestataires, on notait plusieurs membres du groupe activiste environnemental mcgillois Désinvestissement McGill (Divest McGill).

La manifestation avait également pour but d’exprimer la solidarité des manifestant·e·s avec la Première Nation Wet’suwet’en. Cette dernière s’oppose depuis 2019 au projet Coastal GasLink de la compagnie pétrolière TC Énergie, un projet dont la banque RBC est le principal investisseur.

En parallèle, de nombreuses manifestations contre la RBC se sont déroulées samedi dernier à travers le Canada.

La RBC accusée d’« éco-blanchiment »

Selon les organisateur·rice·s de l’événement, la manifestation serait une réponse à un appel à des actions de solidarité lancé par un·e chef·fe héréditaire de la nation Wet’suwet’en.

Une représentante de Solidarité Décoloniale (Decolonial Solidarity), un groupe allié à la cause des Wet’suwet’en, a pris la parole devant la foule. Elle a vivement critiqué les investissements massifs de la RBC dans le projet Coastal GasLink.

« La RBC parle beaucoup de son respect des droits des Autochtones et de son financement d’initiatives durables, mais ce n’est que de l’éco-blanchiment »

Une membre de Solidarité Décoloniale

« C’est en travaillant ensemble que nous avons une chance de forcer cette banque incroyablement puissante et influente à abandonner ses profits à court terme en désinvestissant du gazoduc CGL », a‑t-elle avancé. En avril dernier, la RBC avait défendu son association avec le projet, le décrivant comme « un exemple de projet responsable ».

Avec Coastal GasLink, TC Énergie prévoit la construction d’un gazoduc s’étalant sur environ 650 km en Colombie-Britannique. Ce gazoduc, qui lui permettra de transporter du gaz naturel de Dawson Creek à Kitimat, doit passer sur le territoire non cédé Wet’suwet’en, ce à quoi les chef·fe·s héréditaires de la Première Nation se sont vigoureusement opposés dès le début du projet. En effet, la compagnie pétrolière souhaite faire passer son gazoduc sous la rivière Wedzin Kwa, qui, en plus d’occuper un rôle sacré pour plusieurs membres de la nation Wet’suwet’en, accueille une population importante de saumons qui pourrait être mise en danger par les travaux de forage.

En 2020, la cause des Wet’suwet’en avait trouvé un écho à travers tout le Canada et même au-delà, alors que
des manifestations de soutien au groupe autochtone avaient eu lieu d’un océan à l’autre. Un blocus ferroviaire avait été mis en oeuvre, paralysant temporairement l’économie canadienne. La pandémie de COVID-19 en mars 2020 avait suspendu les protestations publiques, mais pas les travaux de construction du gazoduc.

En plus des revendications des groupes autochtones dont le gazoduc traverserait les territoires ancestraux, l’oratrice a également mis en lumière les impacts écologiques importants que pourrait avoir le projet. « Peu importe où la banque RBC ira, elle entendra les voix des alliés de ceux qui souffrent de ses investissements », a‑t-elle conclu.

« Nous ne voulons pas d’institutions qui œuvrent dans les énergies fossiles sur nos campus »

Une membre de Solidarité Décoloniale

En entrevue avec Le Délit, l’oratrice, qui a souhaité demeurer anonyme, a souligné l’hypocrisie de la banque canadienne : « La RBC parle beaucoup de son respect des droits des Autochtones et de son financement d’initiatives durables, mais ce n’est que de l’éco-blanchiment [green-washing, ndlr]». Depuis 2016, l’institution financière aurait investi 236 milliards de dollars dans les énergies fossiles, faisant d’elle la cinquième banque investissant le plus dans ce secteur au niveau mondial et la première à l’échelle canadienne.

« Foutez le camp de notre campus »

L’association entre McGill et la RBC ne date pas d’hier. En effet, la banque est partenaire de nombreux événements mcgillois, notamment Frosh 2022 de la Faculté des sciences, en plus d’être la banque de l’Association étudiante de l’Université McGIll (AÉUM) et d’un grand nombre de ses clubs. Cette année, la RBC, en collaboration avec le Globe and Mail, offre même un cours gratuit de gestion des finances personnelles à la Faculté de gestion Desautels de McGill. De plus, une nouvelle succursale de la RBC, intitulée RBC Campus McGill, vient d’ouvrir ses portes sur la rue Sherbrooke.

En entrevue avec Le Délit, Una Sverko, une manifestante et étudiante de première année en droit à McGill, a critiqué cette alliance entre l’Université et la RBC : « Cela indique : nous [l’Université McGill] vous donnons notre sceau d’approbation ». Selon elle, l’Université McGill doit cesser d’établir des partenariats avec des institutions qui investissent aussi lourdement dans les énergies fossiles.

L’oratrice de Solidarité Décoloniale partage ce point de vue : « Nous ne voulons pas d’institutions qui œuvrent dans les énergies fossiles sur nos campus », renchérit-elle. « Dites à la RBC de foutre le camp de notre campus !»

Addendum : La RBC est actuellement sous investigation pour « éco-blanchiment » par le Bureau de la concurrence du Canada suite à la suite d’une plainte déposée en avril dernier. Le 13 octobre dernier, la banque a indiqué au Devoir être « fortement en désaccord avec les allégations contenues dans la plainte ».


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