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Cinq ans depuis l’attentat de la grande mosquée de Sainte Foy

Entre commémorations et action : comment le Québec se souvient-il de cet acte islamophobe ?

Myriam Bourry-Shalabi | Le Délit

Le samedi 29 janvier dernier, dans le froid mordant montréalais, un rassemblement d’une quarantaine de personnes a eu lieu devant la station du métro du Parc afin de rendre hommage aux victimes, aux blessé·e·s et aux survivant·e·s de l’attentat du Centre culturel islamique de Québec de 2017. 

«[Après le massacre,] j’ai réalisé qu’il n’y avait plus de paix, plus de sécurité. Ça aurait pu être n’importe quelle autre mosquée […] comme la mienne » 

Ehab Lotayef, cofondateur de la Semaine de découverte des musulmans et technicien à l’Université McGill 

La vigile a été organisée dans le cadre de la quatrième édition de la Semaine de la découverte des musulmans (auparavant appelée la Semaine de sensibilisation musulmane ou SSM), une série d’événements qui offre l’occasion aux personnes de toute origine, ethnie ou âge d’apprendre davantage sur la confession musulmane au Québec. Si la SSM avait mis en œuvre cet événement pour commémorer les cinq ans de la tuerie, elle visait à aller au-delà de l’hommage ; l’événement s’inscrit dans la lutte contre l’islamophobie et le racisme. Afin de combattre les préjugés, la Semaine rappelle l’importance du vivre-ensemble. Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé que ce cinquième anniversaire représente la première Journée nationale de commémoration de l’attentat à la mosquée de Québec et d’action contre l’islamophobie. Une journée qui rend non seulement hommage aux victimes « de cet acte de terrorisme motivé », mais souligne également « le combat contre l’islamophobie et toutes les formes de haine », reprend Justin Trudeau dans sa déclaration

Myriam Bourry-Shalabi | Le Délit

Déroulement de la soirée

Des coalitions, des politicien·ne·s, des député·e·s et des ministres aux niveaux fédéral et provincial, des citoyen·ne·s, des organisateur·rice·s ; tous·tes se sont exprimé·e·s en solidarité avec la communauté musulmane. Parmi eux·elles, certain·e·s arboraient des carrés verts, en référence aux tapis de prière de la mosquée de Québec. D’autres portaient des masques ou des épingles sur lesquels on pouvait lire « non à la loi 21 ». 

« Nous ne sommes pas des extraterrestres en tant que musulman·e·s, nous sommes des êtres humains comme monsieur et madame Tout-le-Monde, tout simplement » 

Samira Laouni, cofondatrice et présidente de la Semaine de découverte des musulmans

Samira Laouni, cofondatrice et présidente de la Semaine de la découverte des musulmans a commencé en présentant l’objectif du programme SSM. Ce dernier, qui bénéficie d’un financement par le gouvernement fédéral, propose annuellement des événements du 25 au 31 janvier qui font découvrir «[les] réalisations, [les] contributions [et les] préoccupations » des Québécois·es de confession musulmane. Cette année, le thème « Combler le fossé contre l’islamophobie » visait à montrer la diversité des communautés musulmanes. Ehab Lotayef, cofondateur de la SSM et ancien membre du Conseil des gouverneurs à McGill, a pris la parole afin de souligner le travail qu’il reste à faire « ensemble pour faire de cette province et de ce pays, un meilleur monde. » Une minute de silence a été observée après son discours. 

« Cinq ans plus tard, on est toujours là. On est courageux·ses et on ne va jamais arrêter de lutter jusqu’à ce qu’on puisse vivre en dignité. Cinq en plus tard, je me souviens » 

Sarah Abou-Bakhr, représentante du lobby Conseil national des musulmans canadiens (CNMC)
Myriam Bourry-Shalabi | Le Délit

Une série de discours ont suivi de la part de plusieurs ministres et élu·e·s fédéraux·ales, provinciaux·ales et municipaux·ales. Sameer Zuberi, membre du Parti Libéral, a partagé la Stratégie de lutte contre le racisme du gouvernement fédéral, qui a récemment annoncé la création du nouveau poste de représentant spécial chargé de lutter contre l’islamophobie. Alexandre Boulerice, représentant du Nouveau Parti démocratique (NPD), a demandé si les sociétés québécoise et canadienne ont progressé depuis l’attentat de 2017. Il a exprimé « à quel point [les Québécois·e·s ont] du travail à faire », évoquant le grand nombre de camionneur·euse·s islamophobes et racistes qui avaient pris d’assaut Ottawa le 29 janvier dernier. Le député du NPD a conclu son discours en soulignant la nécessité de réguler la distribution d’armes à feu et de restreindre les discours haineux sur les réseaux sociaux. 

Plusieurs autres élu·e·s ont également saisi l’occasion pour prononcer des discours, dont la sénatrice indépendante Julie Miville-Dechêne, trois conseillier·ère·s de la Ville de Montréal, trois représentant·e·s du Parti libéral du Québec ainsi qu’Andrés Fontecilla de Québec Solidaire. Des représentant·e·s de l’organisation Ensemble Montréal ont également pris la parole. «[Quand] et comment peut-on dire à nos enfants [qu’un acte ignoble] n’arrivera plus jamais ? Malheureusement, au mois de juin, on a eu un autre choc », a dit un représentant de l’organisation, en référence à l’attaque islamophobe qui a eu lieu à London, en Ontario. 

« Ça commence avec l’intolérance, qui nous mène à la haine, et la haine nous mène à la violence. […] Nous avons aujourd’hui au Québec une intolérance institutionnelle » 

Frank Baylis, président du mouvement « non à la loi 21 ».

À la suite de l’intervention d’un représentant de Voix juives indépendantes Canada, qui a souligné l’importance du devoir de mémoire, la cérémonie s’est close par l’observation d’une autre minute de silence. 

L’islamophobie à McGill

Quant à elle, l’Université McGill a tenu, le vendredi 28 janvier dernier, une commémoration virtuelle pour les victimes de la grande mosquée. Animé par Ehab Lotayef, l’événement a rassemblé notamment la principale Suzanne Fortier, le professeur Christopher P. Manfredi (vice-principal exécutif et vice-principal aux études), Angela Campbell (vice-principale adjointe de l’équité et politique académique), des professeur·e·s de l’Institut d’études islamiques, ainsi que des représentant·e·s de l’Association des étudiants musulmans de l’Université McGill. 

Myriam Bourry-Shalabi | Le Délit

Ehab Lotayef a partagé lors d’une entrevue au Délit la nécessité de combattre l’islamophobie au sein de la communauté mcgilloise : « J’ai l’impression que McGill progresse. Pourtant, je suis critique de la façon dont l’administration traite la diversité et l’inclusion. […] Il y a beaucoup de minorités qui n’ont pas la possibilité d’être entendues ». Il a encouragé l’administration à travailler avec les minorités et à financer des programmes qui donnent la parole aux communautés marginalisées. 

« L’empathie seule ne va pas changer les causes à l’origine de l’islamophobie – l’ignorance. Il faut aller au-delà des préjugés » 

Ehab Lotayef, cofondateur de la Semaine de découverte des musulmans et technicien à l’Université McGill

Mohammed Youssef Bouaouina, président de l’Association des étudiants musulmans de McGill, a encouragé les étudiant·e·s mcgillois·e·s à contacter l’Association, à leur poser des questions : « l’Islam n’est pas ce que tu penses l’être », conclut-il. 


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