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Le canevas vivant

Ouverture sur le monde du tatouage.

Alexandre Gontier | Le Délit

Camille Lussier (elle) @camille.lussier

Le dessin fait partie intégrante de la vie de Camille, qui touche à l’art depuis qu’elle est toute petite. L’illustration, c’est ce dans quoi elle se sent complète. Le tatouage, quant à lui, permet à Camille non seulement de gagner sa vie, mais également de dessiner tout en rencontrant des gens tous les jours – elle ne pourrait vivre sans cette part sociale du tatouage, qui s’oppose à la solitude qu’impose le métier d’illustratrice.

Voilà maintenant neuf ans qu’elle pratique le tatouage, mais seulement deux ans qu’elle se dit tatoueuse et qu’elle tatoue à temps plein. Son parcours a demandé patience et persévérance – difficile, à l’époque, de devenir apprentie dans une shop, ce qui était pourtant nécessaire, puisque travailler de chez soi était mal vu. Aujourd’hui, elle tatoue encore chez elle, à Saint-Lambert, et ne travaillerait pas autrement. Si l’ambiance de la shop permet l’esprit d’équipe, travailler à la maison lui permet d’être plus confortable et de mettre les client·e·s à l’aise ; c’est là pour elle l’un des éléments les plus importants dans son travail. Elle aime discuter, valoriser la personne qu’elle tatoue, apprendre à la connaître. Avec Camille, la séance est remplie de rires.

On reconnaît le style de Camille par la douceur de ses lignes, par la picturalité de ses dessins. Elle a davantage fait de custom, mais s’est prêtée, pendant la pandémie, à l’exercice des flash. Le premier consiste, pour un·e artiste tatoueur·euse, à faire un dessin personnalisé, à créer une image avec la vision du·de la client·e ; les flash sont quant à eux des dessins conçus par les artistes qui ne sont tatoués qu’une seule fois. Pour elle, le custom est un travail d’équipe, c’est une façon de donner vie à l’imagination de la personne qu’elle tatoue.

À chaque jour, Camille est émerveillée par le travail qu’elle fait : c’est un privilège, dit-elle, de voir ses dessins sur la peau de quelqu’un et de vivre une proximité comme celle que permet le tatouage.

Alexandre Gontier | Le Délit

Alexandra Legault (elle) @miamdelaglace

Alexandra a commencé à tatouer à la fin de l’année 2014 : à l’université, elle rencontre quelqu’un qui l’initie au handpoke (technique qui consiste à utiliser une aiguille manuelle plutôt qu’une machine à tatouer). Ce qu’elle aime, dans ses débuts, c’est se tatouer ses propres dessins et les tatouer à sa meilleure amie. Grâce au bouche à oreille et aux réseaux sociaux, d’autres personnes ont commencé à lui demander des tatouages et elle a pu commencer à tatouer à plus large échelle en 2019, après ses études. 

Alexandra travaille dans un studio à Hochelaga où, la plupart du temps, elle est seule avec le·a client·e. Elle a beaucoup aimé travailler dans des shop – parfois, la valorisation venant de ses collègues lui manque, mais elle aime beaucoup pouvoir contrôler l’atmosphère dans laquelle elle accueille ses client·e·s. Le plus important, pour elle, c’est qu’ils et elles soient confortables et se sentent en sécurité. Pour ce faire, elle s’assure de leur fournir le plus d’informations possible avant qu’ils et elles se présentent à leur rendez-vous.

Son style se rapporte beaucoup à la maison, à un univers familier, aux choses douces qui rappellent l’enfance – ce qu’elle aime du tatouage, c’est le lien qu’il peut avoir avec le souvenir, ce qu’il peut faire ressentir. Elle aime aussi pouvoir créer un agencement de tatouages qui crée une ambiance sur le corps. D’abord et avant tout, Alexandra se considère illustratrice, dont découle sa pratique du tatouage . 

Elle essaie le plus possible de faire autant de flash que de projets custom. Mais créer des flash peut être instable, car les productions de dessins suivent ses vagues créatives. Les projets sur mesure, quant à eux, peuvent être difficiles, mais poussent sa pratique plus loin.

Chaque tatouage, pour Alexandra, est une collaboration. Son talent et ses habiletés se mêlent aux goûts de la personne tatouée.

Alexandre Gontier | Le Délit

Prune (elle) @dixgracieuse_tattoo

Prune a touché à sa première machine à tatouer il y a maintenant deux ans, alors qu’elle complétait sa technique en graphisme. Elle a aussi commencé chez elle, mais œuvre à présent au salon Grey Market, dans Hochelaga – un espace qu’elle veut inclusif à la communauté LGBTQI2SA+ et aux personnes racisées. Le studio est lumineux et la séance avec Prune est pleine de calme et de positivité. 

Le tatouage est pour elle un acte de self-care, une manière, entre autres, de se réapproprier les parties de son corps que l’on aime moins. Le tatouage lui permet aussi d’exprimer différentes parties d’elle-même, ce qui la touche, ce qui lui fait du bien, ce qui la met en colère… 

Dans sa pratique, Prune essaie de toucher à différents univers, de se prêter à différents styles. Elle s’inspire d’artistes visuel·le·s de tous les horizons et, le plus possible, tente de sortir de sa zone de confort. Elle se sent le plus inspirée lorsqu’elle est dans la nature et aime, lorsqu’elle tatoue un design, se souvenir de l’endroit qui a vu naître le dessin , que ce soit le lac Saint-Jean, la rivière Trois-Pistoles ou un café montréalais pendant une tempête de neige. Pour elle, rendre les client·e·s à l’aise est aussi primordial. Elle veut que, lorsque le·a client·e  ressort, il ou elle soit pleinement satisfait·e non seulement de son nouveau tatouage, mais aussi du moment partagé avec la tatoueuse. 

Prune aime la liberté que permet son métier ; bien que ce soit un travail difficile, il demeure un espace créatif en dehors des cadres institutionnels où les tatoueur·se·s ont un grand contrôle sur leurs horaires, leurs tarifs, les lieux dans lesquels il·elle·s accueillent leurs client·e·s. 

Elle explique qu’il y a quelque chose d’effrayant, mais en même temps de très satisfaisant dans le geste d’apposer son art de manière permanente sur le corps de quelqu’un. D’une certaine manière, une petite partie d’elle repart avec les personnes qu’elle a tatouées.

Les illustrations ont été réalisées à partir de tatouages faits par chacune des artistes ci-dessus. Vous trouverez leur travail en visitant leur page Instagram.


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