Aller au contenu

L’impérative mobilisation pour la justice climatique

Mahaut Engérant | Le Délit

Un activisme jeune est un activisme de nécessité : dans un contexte de crise climatique, les voix s’unissent dans l’urgence d’un monde qui s’effondre. Celles et ceux qui feront nos sociétés de demain n’ayant pas accès au pouvoir de décision, c’est à travers l’organisation, la manifestation, parfois la désobéissance civile, que grandissent les luttes pour la justice climatique. L’urgence est motrice de rassemblement, mais aussi d’une écoanxiété dont les jeunes sont particulièrement sujets, les poussant à l’action afin de traduire leurs maux en des dispositifs de luttes concrets (« Exprimer la détresse climatique », p.9). À McGill, et au Québec, ce phénomène est prévalent et c’est pour essayer de dessiner un nouvel horizon — sans pénuries massives, mouvements migratoires contraints, conflits politiques — que l’on se mobilise. 

Mettre l’accent sur les conséquences humaines de la crise climatique permet alors de repenser une vision classique de l’environnementalisme qui, en séparant l’humain de la nature, ne porte aucune attention aux impacts différenciés des dégradations environnementales sur les populations. Effectivement, la crise climatique cause des déplacements forcés, des sécheresses, des inondations, des hausses de températures, qui affectent disproportionnellement les populations qui y ont contribué le moins. L’on peut notamment penser à la caravane de migrant·e·s en Amérique centrale ou à la fonte du pergélisol en territoires autochtones. Cette crise est causée et perpétuée par une logique coloniale d’invasion et d’exploitation des territoires (« Quand le vert est décidé par le blanc », p.10). Il nous semble donc obligatoire d’adopter la  justice climatique comme angle d’approche de cette édition.

L’engagement pour le climat s’infuse dans toutes les sphères — politiques, commerciales et même culturelles (« La culture, pilier de la transition », pp.13–14). La plupart du temps se déploient toutefois des efforts mineurs : recyclage, produits éco-conscients, fonds donnés pour l’environnement. Tout cela reste très flou et lorsque l’on s’attarde sur les exactions, réalisées sous couvert de développement durable, des institutions qui sculptent nos sociétés — les gouvernements, les entreprises, les universités — les constats sont graves. 

Cet écoblanchiment atteint un tel niveau qu’il devient difficile de distinguer le réel engagement de celui qui n’est que façade. Pensons notamment à McGill, qui en juillet 2019 a été reconnue comme International Sustainability Institution of the Year par les Green Gown Awards — récompenses subventionnées par le programme des Nations Unies pour l’environnement — malgré ses investissements de plus de 50 millions de dollars dans des compagnies d’énergies fossiles (« Blocage et désinvestissement », p.3). Pensons aussi à des entreprises comme Teck Resources qui, dans la présentation de leur projet Frontier, mettent tout de suite l’emphase sur « leur pratiques pour la protection de l’environnement », des phrases qui masquent le plus souvent une inaction en proportion à la crise climatique. 

La suppression du projet de mine Frontier a très certainement été accélérée par la mobilisation des groupes activistes, et notamment par l’usage de moyens de pression non-traditionnels comme l’occupation des bureaux du ministre Stephen Guibault. De façon similaire, l’invasion par la GRC du territoire Wet’suwet’en en Colombie-Britannique continue à faire les manchettes grâce aux blocages ferroviaires entretenus notamment à Tyendinaga, en Ontario. Ces exemples mettent en évidence l’efficacité incontestable des moyens de pression transgressifs. 

L’activisme pour la justice climatique doit se faire à toutes les échelles, par le plus de moyens possible, et cela commence par une critique de chacune des institutions que l’on fréquente de près. En tant qu’étudiant·e·s à McGill — et notamment parce que Justin Trudeau en est diplômé — nous nous devons de réagir à l’éco-blanchiment de l’administration face à l’ampleur de la crise. Tout d’abord, en participant aux assemblées générales de nos facultés respectives, afin de faire voter la grève pour la Semaine de la Transition organisée par la Coalition étudiante pour un virage environnemental et social, du 30 mars au 3 avril prochains. Ensuite, en rejoignant les étudiant·e·s de la quarantaine d’établissements québécois qui prévoient de participer à la Semaine de la Transition, afin d’envoyer un message clair au gouvernement et à nos dirigeant·e·s respectif·ve·s. Enfin, en étant prêt·e·s à envisager la grève illimitée comme dernier recours si ceux·celles qui possèdent le pouvoir décisionnel le plus fort persistent à ne pas céder.


Articles en lien