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Soutien à la Première Nation Wet’suwet’en

Mahaut Engérant | Le Délit

La Première Nation Wet’suwet’en est en lutte et nous devons tourner nos regards et mobiliser nos efforts vers cette crise politique. Le 10 février, la Gendarmerie royale du Canada forçait sa présence en territoire Unist’ot’en et arrêtait trois matriarches lors d’une cérémonie en mémoire des femmes autochtones assassinées et enlevées. Cette arrestation n’est malheureusement qu’une autre manifestation de la violence accrue dont les peuples de la nation Wet’suwet’en sont sujets depuis plusieurs semaines.

L’objet de la crise est un projet d’oléoduc qui doit s’étendre sur 670 kilomètres au nord de la Colombie-Britannique ; une entreprise de TC Energy (anciennement TransCanada), également responsable des oléoducs Keystone et Énergie Est. La construction de cet oléoduc est ralentie par l’établissement de camps de résistance et par des blocages de routes auquel autochtones et allochtones participent. C’est à la suite de l’assaut de la GRC sur le camp de résistance de Gidumt’en le 7 janvier dernier qu’une mobilisation massive s’est mise en place, traversant territoires et villes pour attirer une attention internationale. À Montréal, les manifestations en soutien aux peuples se font plus fréquentes (photoreportage p.7) et gagnent par ailleurs les sphères étudiantes. Au coeur des conversations, la violence exercée par la Gendarmerie royale du Canada et le consentement de la nation Wet’suwet’en à l’utilisation de leur territoire pour la construction de l’oléoduc Coastal GasLink.

Le projet de pipeline avait été approuvé par le gouvernement provincial ainsi que par vingt conseils de bande de Premières Nations, dont 6 de la Nation Wet’suwet’en, via la signature d’un accord. Cependant, l’autorité de ces conseils est remise en question par les chefs héréditaires de ces nations. En effet, les conseils de bande ont été mis en place à travers la Loi coloniale sur les Indiens, introduite après la Confédération dans un but d’assimiler les autochtones aux mécanismes de gouvernance fédérale. Les droits dont jouissent ces conseils sont ceux d’administrer les réserves. Ainsi, ils n’ont pas de souveraineté sur les territoires hors réserve et sont presque automatiquement soumis aux autorités provinciales et fédérales. Les Wet’suwet’en ont leurs propres lois, ‘Anuc niwh’it’en et c’est en vertu de celles-ci que les cinq clans de la nation se sont opposés à la construction de l’oléoduc Coastal GasLink. Seulement, les gouvernements ne reconnaissent pas cette autorité. Si la violation de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est l’objet de dénonciations, il faut alors noter les violations multiples de droits dont les gouvernements et entreprises sont responsables.

La violence de la GRC, et donc de l’État canadien, est une violence coloniale. Celle-ci est permise par des mécanismes de gouvernance et d’emploi de force écrasant de manière permanente les luttes des Premières Nations pour leur souveraineté. Les protestations s’inscrivent aussi à l’intersection de questions d’autodétermination et d’urgence environnementale. Cette crise est violente et ce projet d’oléoduc met en péril la santé publique de ces communautés, l’environnement dans lequel elles évoluent et érode leurs capacités à défendre leurs droits. L’enjeu ici n’est donc pas seulement celui d’une protestation, mais doit impérativement être compris comme une revendication du droit à protéger. L’enjeu ici est celui d’un consentement libre, préalable et en connaissance de cause pour la construction d’une infrastructure destructrice qui n’a pas été obtenu et qui ne pourrait être obtenu en territoires non cédés. Bien que ces luttes prennent place de l’autre côté du pays, ces enjeux traversent les territoires et c’est dans notre silence que se glisse une inaction complice.

 

« Notre peuple croit que nous faisons partie de cette terre. Nous ne faisons qu’un avec la terre. La terre nous soutient. Si nous n’en prenons pas soin, elle ne pourra plus être en mesure de nous soutenir et nous, en tant que génération, ne survivrons pas. »

- Freda Huson, Cheffe Howihkat Unist’ot’en, arrêtée le 10 février.


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