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De la mesure à la démesure

Griffintown dans la lentille de Robert Walker.

musée McCord

Ce mercredi 5 février se tenait au Musée McCord le vernissage de l’exposition Griffintown – Montréal en mutation, présentée jusqu’au 9 août prochain. Elle met en vedette l’œuvre du photographe documentaire Robert Walker à travers une vingtaine de clichés grand format ainsi qu’une centaine d’autres projetés, capturés entre 2018 et 2019 et mis en parallèle avec quelques photos historiques tirées de la collection du musée. 

Paysages urbains

En présence de l’artiste, les membres du musée ont répondu en grand nombre à l’invitation, l’espace limité nécessitant même d’étaler les visites au cours de la soirée. Cela s’avère de bon augure, puisqu’il s’agit du premier volet d’un projet piloté par l’institution, qui vise à raconter Montréal et ses quartiers en changement à travers l’objectif de photographes.

Montréalais de naissance, Walker se spécialise en photographie de rue en couleur depuis 1975. Il s’installe à New York en 1978, ville qui sera au centre de son œuvre pendant plusieurs années. Ce dernier a toutefois posé son objectif sur maintes métropoles à travers le monde, un travail dont les fruits ont été abondamment publiés.

D’entrée de jeu, le contenu capturé par le photographe, durant la phase de construction du quartier actuel, impose une reconfiguration du regard. L’œil normalement blasé par les visions de cônes orange et de démolition est amené à réinterpréter ses notions du beau et du laid, à travers des prises de vue qui, de l’aveu même de l’artiste, s’apparentent plus à des tableaux abstraits, avec le dialogue des formes et les touches de couleur. 

Rêves en chantier

Il y a chez Walker une passion évidente pour l’instant fugitif, le jeu des reflets, des ombres, et surtout, de la lumière qui magnifie la couleur, du bleu ciel au jaune vif. Les tours de condominiums en chantier répondent aux anciennes structures près du Canal Lachine, et vice versa. Cette superposition entre passé, présent et futur est d’ailleurs l’un des axes centraux de l’exposition : passé industriel jeté par-dessus bord, et présent quelque peu chaotique dans l’attente d’un futur vanté comme rempli de promesses.

De là découle la deuxième perspective importante, celle du rêve face à la réalité. Dans plusieurs photographies sont mises en abîme des publicités pour les nouveaux immeubles à logements. Elles y côtoient des gens sans prétention dans des lieux encore désorganisés, contraste qui suscite une réflexion, au-delà de la beauté plastique, sur le bonheur parfois idéalisé qu’on nous vend. Griffintown a certes une signature visuelle indéniable, mais rappelons que son développement fulgurant a initialement omis certains services publics de proximité et créé un phénomène d’embourgeoisement.

Enfin, ce qui fait la force des prises de vue, c’est aussi le chevauchement de la matière brute (pierre, métaux, béton) et de la férocité de la machinerie avec les silhouettes envoûtantes des nouveaux édifices. Bien que l’artiste prétende vouloir cadrer un maximum de détails, ce sont les photos les plus épurées qui s’avèrent les plus fortes. S’il ne s’agit pas d’une grande exposition à proprement parler, le spectateur averti y trouvera tout de même, en somme, une perspective neuve et rafraîchissante sur des détails insoupçonnés issus de flâneries quotidiennes.


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