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Un comique archaïque

Le Théâtre du Rideau Vert reprend Le malade imaginaire de Molière.

Théâtre du Rideau vert

Le Théâtre du Rideau Vert débute l’année en reprenant la toute dernière pièce de Molière, Le malade imaginaire, habilement mise en scène par Michel Monty. Les comédien·ne·s déploient la fameuse histoire de l’homme qui se croit malade sur un décor plus ou moins moderne, avec un jeu rapide et impeccable.

Modernité engageante

Les modernisations de pièces anciennes suscitent souvent des réactions mixtes, avec raison. Il peut être déstabilisant d’entendre des phrases d’un français que nous percevons maintenant comme littéraire se faire interrompre par la sonnerie de la montre d’Argan (Luc Guérin). Mais une fois la première surprise passée, cet anachronisme volontaire rapproche adroitement l’intrigue du monde quotidien de l’auditoire contemporain. Les récipients à pilules orange, le La-Z-Boy et la tuque des Canadiens d’Argan communiquent bien mieux l’atmosphère d’une chambre de malade que l’aurait fait un décor inspiré du 17e siècle. 

Ce rapprochement sert à véhiculer l’histoire, mais peut aussi devenir plutôt angoissant. 

La promesse faite par Argan de donner sa fille Angélique (Anne-Marie Binette) à Thomas Diafoirus (Frédérick Tremblay) repose quelque part entre l’incongruité de voir une telle chose dans un monde moderne et l’inquiétude que ce soit possible. L’inconfort évident d’Angélique, étant forcée de s’asseoir entre son supposé fiancé et le père de celui-ci (Patrice Coquereau), se rapproche un peu trop de scènes malheureusement familières pour le public féminin.

Interprétations habiles

Mettant moins l’accent sur une critique de la médecine qui est aujourd’hui partiellement obsolète, la mise en scène de Michel Monty fait ressortir les dynamiques riches et souvent – au bonheur de l’auditoire – amicales entre les personnages. La complicité d’Angélique avec son amant Cléante (Maxime Mompérousse) et la servante Toinette (Violette Chauveau) crée un arrière-plan engageant et ajoute une profondeur aux scènes. L’ironie du déguisement de Cléante en le maître de musique d’Angélique, lorsque — malchance — Thomas Diafoirus arrive pour rencontrer cette dernière, est savamment manipulée afin de produire l’un des moments les plus drôles de la pièce.

Cette comédie est sans doute censée s’étendre à la méchante belle-mère, Béline (Émilie Lajoie). Celle-ci est présentée sous un angle exagéré, portant tour à tour diverses robes à paillettes et s’exprimant avec un accent plus évidemment québécois que les autres comédien·ne·s. Ses emportements sont extrêmes au point d’être ridicules, d’où vient l’aspect comique.

Toutefois, certains de ces moments échouent à susciter le  rire chez certain·e·s membres de l’auditoire. Malgré son excellente mise en scène moderne, Le malade imaginaire reste une pièce profondément sexiste et dont les personnages féminins sont stéréotypés – la jeune belle-mère qui ne veut que de l’argent, la fille enfantine et naïve d’un père qui ne souhaite pas la donner en mariage à l’homme qu’elle aime et la servante impertinente et bruyante. Le jeu sans défaut des comédien·ne·s et la qualité de la mise en scène ne peuvent malheureusement remédier entièrement à cela, et les répliques peuvent laisser un goût amer au·à la spectateur·rice. Michel Monty remarque que « Molière n’est pas un monument ». Nous ne sommes donc pas obligé·e·s de trouver son sexisme comique.

Le malade imaginaire sera présenté au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 29 février.


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