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« Où est-ce donc que nous sommes ? »

Franche réussite pour la troupe du Malade imaginaire.

Gabriel Cholette

C’est dans une salle comble et hilare que les comédiens de Franc-Jeu ont pu s’exprimer avec leur première production. Le Malade imaginaire, un choix particulièrement judicieux pour baptiser la seule troupe mcgilloise se revendiquant de la langue de Molière, a su tenir toutes ses promesses : la pièce était drôle et intelligente. Michaël Blais, le metteur en scène, a de surcroît fait preuve de talent et de subtilité pour nous proposer une pièce de grande qualité.

En effet, la force de la mise en scène est d’avoir su trouver le bon point d’équilibre entre fidélité « classique » et innovations personnelles, et d’avoir réussi à s’y maintenir pendant deux heures sans tomber dans l’excès ni d’un côté ni de l’autre. Point d’arrogance ni de pitreries pseudo-subversives et pseudo-innovantes comme il se fait régulièrement et qui étaient fort à redouter au regard de la situation de départ qui nous était proposée : acteurs immobiles, fardés, portant des masques, assis sur des chaises éparpillées sur la scène, ne bougeant que leur visage par à‑coups bizarres, alors même que les spectateurs arrivaient les uns après les autres pour s’installer. Au contraire, le texte intégral était secondé de touches personnelles intelligentes, agréablement distillées au fil des scènes. 

Ainsi, l’ouverture et le final de la pièce se font échos à travers deux crescendos tout à fait maîtrisés et authentiquement drôles, certaines scènes de chant viennent nous surprendre et nous divertir tout en renouant avec l’aspect « comédie-ballet » original de la pièce et certains morceaux de musique d’ambiance électronique associés à un bon jeu de lumière donnent par instants une touche sombre à la pièce. Ce côté terne et angoissant a d’ailleurs été savamment employé par Michaël Blais, notamment en insistant sur le caractère pervers de M. Diafoirus, apportant ainsi une cohérence intéressante entre « le fond et la forme » pour ainsi dire. 

Les acteurs ont livré de belles prestations, en particulier François-Xavier Tremblay dans le rôle d’Argan, impayable dans sa manière ébahie et niaise de parler de la « mé-de-cine » et des « mé-de-cins », ainsi que Yoav Hougui, magistral dans la peau de Thomas Diafoirus, tout simplement hilarant du début à la fin. 

Cela, ajouté à une disposition scénique habile centrée sur le lit du grand malade et à des costumes simples mais percutants (le masque de M. Diafoirus par exemple, parfaitement en accord avec la silhouette longiligne de Baptiste Rinner et le caractère faux de son personnage, fut un choix des plus judicieux), donnent un résultat impressionnant, et permet à Franc-Jeu de devenir enfin une réalité aux yeux des Montréalais dans le meilleur des contextes : celui d’un vrai succès.


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