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Suppression des cours d’ECR

Controverse autour du programme phare de Jean-François Roberge.

Grégoire Collet | Le Délit

Le 10 janvier dernier, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur Jean-François Roberge annonçait la suppression prochaine du cours d’éthique et culture religieuse (ECR), instauré depuis 2008 dans toutes les écoles primaires et secondaires du Québec. Le cours avait été créé sous le gouvernement Charest et avait pour but « d’aider les élèves à mener une réflexion critique sur des questions éthiques et à comprendre le fait religieux », selon le document officiel de présentation du programme. Le cours obligatoire d’ECR remplaçait l’option qu’avaient alors les élèves de suivre un cours d’enseignement religieux catholique ou protestant, ou un cours d’enseignement moral. 

Réduire la religion

Alors qu’un objectif central du programme d’ECR était d’instruire les enfants sur les grandes traditions et pratiques religieuses ainsi que leur influence sur l’environnement social, et ce, même s’il·elle·s ne les pratiquaient pas, Roberge affirme que « la place de la religion » était trop importante dans le cours, selon un article de La Presse paru le 10 janvier. Dans une entrevue avec le journal, celui-ci dit prévoir de ne garder « qu’un espace beaucoup plus petit que celui que l’on a actuellement » réservé à l’enseignement des religions, dans le contexte d’un nouveau cours qui remplacera l’ECR.

En février 2019, le ministre avait déjà parlé du projet de réformer le cours, notamment à cause de la place non suffisante de l’athéisme dans le programme et de la présence « d’images stéréotypées » dans les manuels scolaires assignés aux élèves. Toutefois, il affirmait dans une entrevue au Devoir que « c’est une fausse bonne idée, l’abolition pure et simple du cours d’ECR pour amener de la laïcité ». Roberge n’utilise pas aujourd’hui les mots « pure et simple », mais déclarait en janvier 2020, encore au Devoir : « on peut dire qu’on abolit le cours d’ECR et qu’on le remplace par quelque chose de nouveau ». Ce nouveau programme, qui sera instauré en automne 2022, devrait s’organiser autour des thèmes de la citoyenneté (incluant l’écocitoyenneté et la citoyenneté numérique), l’éducation juridique, et l’éducation à la sexualité, entre autres. La religion aurait, depuis plusieurs années, pris « trop de place » face à ces sujets devenant de plus en plus cruciaux. 

Réactions

Les réactions au projet sont contrastées : certain·e·s accusent déjà le ministre de faire de ce nouveau cours – qui n’a pas encore de nom – un cours « fourre-tout ». Dans une entrevue avec Radio-Canada, le ministre se défend en affirmant que le thème porteur du cours, qui lui donnera une cohérence, sera « le respect de soi et des autres pour une citoyenneté active ». 

Plusieurs voient « le vent tourner », après les années d’efforts pour la mise en place de l’ECR. Jean-Pierre Proulx, qui présidait le Groupe de travail sur la place de la religion à l’école en 1999, écrivait dans un article d’opinion au Devoir, le 16 janvier dernier, que cette réforme existait en grande partie en raison de la suspicion générale grandissante des Québécois·es envers l’islam et au fait que la religion soit devenue « une réalité très négative » dans l’opinion publique. Michel Seymour, professeur à l’Université de Montréal, y écrivait aussi : « Si on invoque encore le thème de la citoyenneté, c’est seulement pour justifier la mise de côté de la religion dans toute sa diversité. […] Avec la loi 21, on prétendait viser toutes les religions, alors que nous savons très bien qu’elle n’existait que pour contrer la présence du foulard. Avec le futur cours, on va aussi invoquer toutes sortes d’enjeux, mais on sait très bien que c’est pour viser la religion. » 


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