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Mois de l’Histoire des Noir·e·s : prendre un moment de répit

Mahaut Engérant | Le Délit

« Faites de l’excellence votre marque de fabrique » disait Oprah Winfrey, mais nous sommes épuisé·e·s.

Oui, nous sommes exténué·e·s. Fatigué·e·s de devoir constamment redoubler d’efforts, éreinté·e·s par les impératifs de perfection d’un monde qui ne daigne nous accorder une once d’humanité qu’à condition d’être excellent·e·s.

Nous, étudiant·e·s noir·e·s de McGill, naviguant les eaux tourmentées d’une culture académique qui nous veut performant·e·s, qui nous veut impliqué·e·s, qui nous veut exemplaires, qui nous exige modèles de la Black Excellence et nous refuse tout droit à la médiocrité : nous sommes fatigué·e·s.

En ce mois le plus court de l’année qui nous a été accordé, nous décidons donc de nous reposer ; nous avons besoin de guérir, individuellement et communautairement.

De ces 29 jours, nous voulons tirer le meilleur parti et nous remettre sur pied par étapes.

Un bon point de départ nous semble être le partage de nos expériences communes. Dire nos quotidiens pour réaliser ensemble que nous ne sommes pas la source du problème mais bien les victimes d’un système suprémaciste blanc. Nous voulons nous autoriser à ressentir toutes les émotions qu’une conjoncture coloniale et raciste nous fait traverser mais nous condamne à refouler. Nos douleurs, nos peines, nos deuils, nos colères, nos sanglots. Dans un monde qui nous exhorte à encaisser, qui prête aux corps noirs — même en situation médicale, surtout en situation médicale — une capacité fantasmagorique à encaisser, nous voulons dire stop et reconnaître les signes de notre épuisement. Ainsi faisant, nous souhaitons briser le tabou de la santé mentale qui gangrène nos communautés ; accepter que nous puissions demander de l’aide professionnelle, réaliser que nous devons le faire avant que ne deviennent irréversibles les dommages sur nos êtres d’un monde qui définit son humanité par sa distance à la négritude.

Réalisant cela, nous voulons reconnaître que le repos sera notre salut et notre arme. La réappropriation de nos corps est notre acte de résistance face à un système capitaliste et suprémaciste blanc qui a bâti ses richesses sur l’exploitation monstrueuse de la force de travail noire. À l’échelle de nos communautés, le repos est un puissant levier de justice et de libération que nous voulons actionner.

Enfin, à l’occasion de ce nouveau Mois de l’Histoire des Noir·e·s, nous voulons réaffirmer la nécessité de célébrer nos divergences inter- et intra- communautaires.

L’enjeu sera pour nous d’honorer nos multiples cultures afrodescendantes ; magnifier nos différentes origines, mémoires et expériences, tout en reconnaissant les liens historiques, culturels et relationnels qui continuent de nous unir.

Nous voulons aussi réfléchir à nos identités stratifiées et reconnaître les différentes dynamiques d’oppression qui les affectent. Parce que nous sommes noir·e·s, et femmes, et queers ; d’origines socioéconomiques, de confessions et de capacités variées. 


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