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La mort autrement

Apapacho, une caresse pour l’âme : un récit intime signé Marquise Lepage.

Axia Fil

Connue principalement pour ses documentaires, Marquise Lepage réalise aussi à l’occasion des œuvres de fiction. Ceux et celles qui ne sont pas familier·ère·s avec son travail se doivent de visionner Martha qui vient du froid, un long-métrage poignant sur la déportation de familles inuites dans l’extrême Arctique par le gouvernement canadien — une page sombre et méconnue de l’histoire du pays. Son plus récent film est lui aussi empreint de cette sensibilité qui caractérise son œuvre. 

Sous le signe de la douceur

Apapacho, une caresse pour l’âme raconte le voyage au Mexique de deux sœurs, Karine (Laurence Leboeuf) et Estelle (Fanny Mallette). Elles entreprennent ce voyage pour poursuivre une tradition familiale bouleversée par le suicide de leur autre sœur, Lili (Eugénie Beaudry). L’action se déroule surtout durant le Jour des morts (Día de muertos, en espagnol), une fête caractérisée par les autels dédiés aux mort·e·s couverts d’offrandes. Cette immersion dans la culture mexicaine permet aux deux sœurs de traverser leur deuil et de solidifier leur relation ébranlée, mais surtout de voir la mort autrement qu’en tant qu’expérience exclusivement malheureuse. Le film présente des paysages magnifiques en plus de permettre une incursion respectueuse au cœur d’une des célébrations les plus importantes du pays. Les personnages incarnés par Sofía Espinosa et Arturo Ríos insufflent un dynamisme ainsi qu’une belle dose de sincérité au récit.

Un amour perdu

Si le personnage d’Estelle frôle parfois le cliché en raison de dialogues un peu fades, une discussion touchante et délicate entre Karine et elle vient toutefois faire oublier ce début maladroit. Malgré quelques moments moins forts, le film est ponctué de scènes profondément émouvantes. On n’a qu’à penser aux rencontres que fait Karine lorsqu’elle visite plusieurs maisons dans le cadre d’un concours de décoration, ou à cette mère qui parle de son fils, qui s’est lui aussi suicidé. Pendant quelques instants, il est difficile de ne pas oublier que l’on se trouve dans une salle de cinéma tellement la tension est palpable.

Tristesse et allégresse

Marquise Lepage nous bouleverse par la façon dont elle traite l’épineuse question de la mort. Même s’il comporte des moments tristes et plus difficiles, le long-métrage s’avère avant tout lumineux. La mort implique pour certain·e·s la rupture et le manque. Il peut toutefois en être autrement. La mort évoque aussi le passage, la traversée plutôt que la disparition. D’une certaine façon, il est possible de garder contact avec les défunts et peut-être devrions-nous prendre soin de cette relation qui nous lie à nos disparus. Encore une fois, la réalisatrice parvient à faire œuvre utile. Pour la réflexion pertinente qu’il suscite, le film vaut le déplacement.


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