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Une manière de dire le monde

Le Délit s’entretient avec Émile Proulx-Cloutier, artiste québécois multidisciplinaire.

Evangéline Durand-Allizé | Le Délit

Émile Proulx-Cloutier est à la fois acteur, réalisateur, scénariste et musicien. Ayant à son actif deux albums coup de poing, Aimer les monstres et Marée Haute, le poète n’y va pas à demi-mot pour exprimer ses opinions à travers son art. Pour Le Délit, j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec lui, afin de parler de son métier et de traiter les enjeux de la langue française, qui sont au cœur de sa démarche artistique. 

Le Délit (LD) : Émile, je t’ai connu d’abord au petit écran, dans ton rôle de Maxime Cadieux dans la série Toute la vérité, qui a été présentée à TVA de 2010 à 2014. À ce moment-là, le grand public te connaissait comme acteur à la télévision et au théâtre. Tu avais fait un peu de réalisation, de scénarisation, mais le Émile musicien n’était pas encore connu dans l’espace public. Quand est-ce que la musique est entrée dans ta vie ?

Émile Proulx-Cloutier (EP) : Dans ma vie, il y a toujours eu trois axes : la musique, l’écriture et le jeu. La notion de performer sur une scène m’a beaucoup attiré dès mon plus jeune âge. Vers l’adolescence, j’ai été fasciné par le cinéma, la mise en scène, par l’idée de mettre un récit en image. Petit, je dessinais beaucoup, mais quand j’ai appris à écrire, j’ai arrêté de dessiner. À 6 ans, mon père m’a acheté des baguettes de batteries. Il m’a mis de la musique dans les oreilles et m’a dit : « Si tu veux apprendre à jouer de la percussion, il faut que tu saches faire ça. » Il me faisait écouter des trucs assez simples, des chansons des Beatles, entre autres. Donc, j’ai d’abord fait beaucoup de musique tout seul, puis, éventuellement, je me suis mis à en entendre dans ma tête, et je me suis tourné vers le piano. À ce moment-là, la poésie et l’écriture faisaient aussi partie de ma vie. 

J’écrivais des poèmes, des histoires, j’aimais me déguiser et faire des spectacles à l’école. Mes deux parents étant comédiens, j’allais souvent les voir sur les plateaux de tournage. Ce monde-là m’a fasciné très vite. Je me sentais à la maison dans un théâtre ; j’aimais voir les acteurs en préparation, la discipline et le côté artisanal du métier. Je pense que j’ai d’abord été conquis par ça, cette fabrication du travail — le fait qu’il faille se remettre en jeu, et la prise de risque que ça implique parfois. J’ai été conquis par l’aspect « pas magique » du métier, en opposition au côté glamour et aux trophées. C’est un métier difficile, où tu recommences, où il y a des soucis qu’on ne soupçonne pas ; j’ai vu mes parents se battre pour apprendre des textes, douter le soir d’une première. J’ai donc rêvé au côté plus artisanal du métier, avant de rêver au tapis rouge ou aux trophées. 

LD : De 2003 à 2006, tu as suivi une formation au Conservatoire d’art dramatique de Montréal. Est-ce que le théâtre était une voie que tu avais choisie par-dessus la musique, ou bien savais-tu qu’un jour, tu allais vouloir l’intégrer dans ta vie professionnelle ?

EP : J’ai fait mon cégep en cinéma, et tout ce temps-là, j’écrivais des petits trucs, mais ce n’était pas des chansons. Je jouais du piano, c’était pour moi un jardin secret, un refuge, l’endroit où j’allais pour me vider la tête. Je rêvais de faire quelque chose avec ça, mais je ne savais pas quoi exactement. Entre la fin du cégep et mon entrée au Conservatoire, j’ai eu une période de flottement. Pendant ce temps-là, j’ai réalisé un court-métrage, Papa, avec  900$.  J’ai voyagé pour aller voir des écoles de cinéma en Europe, j’étais dans un groupe de musique, mais je n’étais pas très bon, et en même temps j’ai préparé des auditions pour les écoles de théâtre. Je me disais qu’au bout de tout ça, il y aurait quelque chose. Finalement, j’ai été pris au Conservatoire. Je me suis dit que les autres métiers qui m’intéressaient, notamment la réalisation, la mise en scène et la musique, j’allais pouvoir les apprendre autrement, mais je voulais essayer d’avoir une formation sérieuse en théâtre, au Conservatoire d’art dramatique.

Dans ma vie, il y a toujours eu trois axes : la musique, l’écriture et le jeu

LD : Comment s’est déroulée pour toi cette formation ? 

EP : J’ai trouvé ça très confrontant, notamment sur l’aspect humain. Tu sais, le crayon rouge du professeur qui vient corriger ce que tu fais, là, il n’est pas sur un papier, il est sur ton corps. Tu apprends aussi beaucoup en voyant les autres : j’ai vu des gens être géniaux et poches. Moi-même, j’ai été bon des fois et très mauvais souvent. Le Conservatoire m’a permis d’avoir, sur le plan de la performance, une espèce de plancher, un degré de qualité en dessous duquel je n’irais plus. Ça donne des outils pour aller plus loin ;  j’en ai appris beaucoup sur mes défauts — que je vais probablement traîner toute ma vie — mais avec lesquels je sais maintenant mieux composer.

LD : Tu lances ton premier album Aimer les monstres en 2013. De 2013 à 2015, tu es en tournée partout à travers le Québec. Parle-moi un peu de ta démarche artistique pour ce premier album. Est-ce que ça a été difficile de trouver l’inspiration ?

EP : L’écriture de chansons arrive dans ma vie quatre ans avant de sortir l’album. Au milieu de la vingtaine, je réalise un court-métrage avec une équipe professionnelle. Je me mets beaucoup de pression et c’est une aventure qui se passe mal. Depuis, j’ai appris que beaucoup de monde à 25 ans frappe un mur. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est comme une espèce de « reality check ». Pour moi, ça a été de plein fouet. J’ai vécu une expérience professionnelle pénible. Ça m’a mis les épaules au tapis et je me suis dit : « Il faut que je me reconstruise. » Je pense qu’à l’époque, j’avais beaucoup la volonté de plaire et d’être admis chez d’autres cinéastes que j’admirais. Je me suis perdu en cours de route, j’avais perdu le souffle créateur qui me ressemblait et j’étais habité du désir de correspondre à des attentes — chose qui est absolument infertile dans le milieu de la création, puisque ce qui est intéressant, c’est ta manière de dire le monde. Bref, j’avais envie de retrouver mon rythme, ma fantaisie, mon plaisir de raconter. En cherchant tout ça, j’avais envie de réunir dans un même geste l’élan poétique et mon plaisir d’enfoncer mes doigts dans le piano — mon élan de performeur, de raconteur, de scénariste, celui de raconter des histoires les plus imagées possible. Tout ça, c’est ce que la chanson peut permettre. Surtout que c’est léger dans un baluchon, une chanson. Ça ne prend pas une équipe de 20 personnes, c’est toi, tes doigts et de l’énergie. Ça a commencé comme ça. 

J’ai accumulé sept ou huit chansons, et je cherchais une façon de les présenter. Je savais qu’il y avait quelque chose à faire avec ça. Mon élan était d’abord pour la scène. Quelqu’un m’a parlé du Festival en chanson de Petite-Vallée. Je ne connaissais pas ça. À ce moment-là, je ne savais même pas c’était où, Petite-Vallée. Quand j’ai compris que c’est en Gaspésie, à 12 heures de route de Montréal, je me suis dit : « Ok. C’est là qu’il faut que j’aille. » C’est un lieu d’amoureux de la chanson, qui vont écouter pour de vrai, et ce sont des gens qui commencent, ceux qui s’inscrivent là comme participant. Je m’étais dit que ça me donnerait, comme pour la formation en théâtre, un espèce de plancher. J’ai envoyé ma démo, j’ai passé une audition, et ils m’ont pris ! On était huit à être sélectionnés.

C’est au Festival que j’ai réalisé que ça faisait 20 ans que j’attendais d’être sur une scène pour faire ma musique. Dans mon corps, ça faisait longtemps que ça grondait. Il y avait quelque chose qui voulait trop. J’ai compris à ce moment-là que je ne pourrais plus déloger ça de ma vie professionnelle. Il fallait que je lui fasse de la place.

Courtoisie des Éditions Ruban de Soi

LD : Lorsque tu te produis en spectacle, l’on a l’impression d’assister à une pièce de théâtre. Non seulement tu ficelles tes chansons avec une histoire, mais c’est pratiquement un personnage qui s’adresse à l’auditoire. Quand tu es sur scène, est-ce que c’est Émile qui parle, ou un personnage que tu prends pour construire un album ?

EP : D’abord, même quand j’incarne un personnage, que ce soit à la télévision, au cinéma ou au théâtre, je mets un côté de moi au service du personnage. La fiction protège, mais ça reste mon arrogance, ma fragilité, ma stupidité qui paraissent. Jouer, c’est se dévoiler. Je pense que c’est quelque chose d’important pour un acteur : quand tu joues, tu ne peux pas être en train de juger ton personnage. Tu dois le défendre. C’est lui qui a raison, même si c’est l’assassin. Donc forcément, tu te révèles. C’est sûr que quand je suis en train de chanter quelque chose que j’ai écrit moi-même, j’invite en quelque sorte les gens dans mon journal intime. Même quand je raconte l’histoire de quelqu’un d’autre, reste que je vous dis comment moi je la vois vivre, la personne, comment moi je la regarde. C’est ma manière de parler d’elle, et cette manière-là, elle m’expose, en quelque sorte. Donc oui, ça reste fragilisant. 

En spectacle, je me permets d’être toutes sortes de versions de moi-même, qui sont aussi vraies les unes que les autres ; le gars qui dit des phrases un peu connes, ou bien qui pense trop à des jeux de mots pour rien. Ce à quoi les gens ont accès en venant voir mon spectacle, c’est autant la version tragique que la version comique de moi-même. Et tous ces gars-là m’habitent. J’essaye d’être le plus vrai possible là-dedans, et de redire la vérité tous les soirs. 

LD : Dans ton dernier album, Marée Haute, que tu lances en 2017, une chanson particulièrement marquante est l’adaptation que tu as faite de la chanson Mommy Daddy de Marc Gélinas. Peux-tu expliquer un peu ta démarche artistique derrière cette chanson ? 

EP : Le point de départ a été en 2007, alors que j’étais formateur pour la Wapikoni mobile. J’avais aidé à la réalisation du court-métrage intitulé L’amendement de Kevin Papatie, qui est un documentaire qui dresse le portrait de quatre membres issus de la communauté des Anishinabeg, en Abitibi. La perte de la langue est là-bas un enjeu majeur. Entre l’arrière-grand-mère de 75 ans, son fils, la fille de ce gars-là et la fille de cette femme-là, donc sur quatre générations, qu’est-ce que chaque membre parle ? C’est ce à quoi s’intéresse le documentaire. 

La première ne parle que l’algonquin. Son fils, lui, parle l’algonquin correctement, mais ne vit qu’en français. Sa fille comprend un peu l’algonquin, mais parle seulement en français, et la petite-fille ne comprend pas du tout l’algonquin. Donc, elle ne comprend pas quand son arrière-grand-mère parle. Et tout ce monde-là est vivant. Quand j’ai assisté à la création du film, j’ai tout de suite fait l’association avec la chanson Mommy Daddy de Marc Gélinas. 

Cette chanson se passe dans un Québec hypothétique, où plus personne ne saurait parler français. C’est quelque chose qu’on ne veut pas qui se produise, qui nous fait peur. Le film L’amendement raconte pourtant cette tragédie, qui a lieu, qui se passe en ce moment, au Québec. Au début, je me disais que j’allais réécrire la chanson Mommy Daddy, en traitant de ce sujet. Ma petite voix intérieure m’a d’abord dit que je n’avais pas la légitimité de le faire, mais je m’y suis finalement attelé, en me posant beaucoup, beaucoup de questions. J’avais envie qu’on regarde un angle mort de notre histoire, à travers une mélodie qui évoque la crainte de la disparition de la langue, le chant de la peur de disparaître. 

Je me suis dit que si un Québécois francophone braille en écoutant Mommy Daddy et est ému en écoutant ma version de la chanson, il y a peut-être moyen d’aller quelque part.

Courtoisie de Sors-tu ?

LD : D’utiliser le texte de Mommy Daddy pour écrire ta chanson Maman, était-ce un prétexte purement artistique, ou tu souhaitais réellement créer un parallèle pour permettre l’empathie ?

EP : En fait, je voulais me servir de cette chanson-là, qui a déjà fait son chemin dans la culture québécoise, afin de parler d’un autre enjeu qui est « à quel point on a besoin d’une langue pour vivre ». La langue, ce n’est pas juste un outil pour échanger, c’est une façon de se définir soi-même profondément. Et je me suis dit qu’en tant que minorité francophone en Amérique, qui de mieux pour comprendre l’enjeu de la langue ? Moi, je suis le premier à être dérangé quand on regarde l’enjeu de la survie de la langue française de haut. Ça me gosse. Parce que j’ai l’impression qu’on a pris plaisir, surtout récemment, à l’assimiler à une certaine fermeture supposée du Québec à l’égard de la nouveauté, de l’évolution des langues, des immigrants. Pour moi, cette logique-là est vicieuse et non seulement je n’y adhère pas, mais je me bats contre ça. Une des raisons pour lesquelles je chante en français, c’est pour que la langue dans la bouche soit joyeuse, riche ; elle est encore tout à fait apte à nommer le réel, à nommer ce qu’on vit. Le fait de pouvoir jouer avec la langue, pour moi, ça fait partie du combat. Il ne faut pas que ce soit seulement un devoir de préserver la langue. Il faut qu’elle soit vivante, c’est un grand terrain de jeu.

La langue, ce n’est pas juste un outil pour échanger, c’est une façon de se définir soi-même profondément

LD : Considères-tu qu’écrire en français, c’est pour toi davantage un devoir qu’un plaisir ?

EP : Pour moi, c’est un devoir que ça devienne un plaisir. Il y a beaucoup de choses dont tu dois te débarrasser, en français, pour que ça sonne bien. Puiser de la musicalité à travers l’association de certains mots, c’est à ça que je travaille, et c’est teinté consciemment d’un désir que la langue française vive. Ça ne peut pas juste être une langue de quotidienneté, ça doit être une langue pour parler de l’immensité que l’on porte. Et oui, c’est politique. C’est donc aussi un devoir que je me donne ; quand un mot vient instinctivement en anglais, d’essayer de trouver le mot en français. Par exemple, overwhelmed, moi je vais dire submergé. Ce n’est pas la traduction littérale, mais c’est ce que ça veut dire et l’image est forte.

Il ne faut pas que ce soit seulement un devoir de préserver la langue. Il faut qu’elle soit vivante, qu’elle soit un grand terrain de jeu

LD : Si je prends l’exemple de l’Université McGill, nous sommes une minorité francophone dans une majorité anglophone. Une grande partie des francophones à McGill vont avoir un langage teinté d’anglicismes, parce que, justement, le québécois est cette langue empreinte du multiculturalisme qui caractérise la province. Est-ce que pour toi la langue québécoise doit forcément être dépourvue de tout anglicisme ou de tout emprunt aux autres langues ? 

EP : Tu sais, le joual québécois n’est pas à court de mots. Ce qui est à court de mots, c’est celui qui le parle. Le vocabulaire, ce ne sont pas les mots qui existent ou que tu connais, ce sont les mots qui sont disponibles au moment où tu parles. Je compare souvent la langue à un grand manoir. Je trouve que notre langue québécoise, avec l’ensemble des possibilités qu’elle a, on ne l’habite pas. C’est comme si on habitait une petite pièce, en bas de l’escalier dans le manoir, mais il y a plein de pièces qu’on ne visite plus et qu’on oublie. Alors on regarde le manoir d’en face qui a l’air plus gros, plus confortable et plus pratique, et on oublie d’habiter notre propre manoir, alors qu’on est les porteurs de la langue québécoise et que c’est notre devoir d’en faire le relais. 

La connaissance de la langue, des œuvres, de la culture, de l’histoire et du territoire, pour moi, ce sont des fondations. Préserver ces fondations, ça ne veut pas dire habiter dans la cave et ne rien voir d’autre que ça. C’est bien de parler cinq langues, c’est formidable, mais ça ne donne rien de vivre dans une maison aux fondations fissurées. J’aime bien l’expression langue maternelle. Ce n’est pas tant la langue dans laquelle ta mère te parle, mais t’sais, ta mère, elle te connaît mieux que toi-même. Elle t’a mis au monde, elle connaît tes secrets, elle devine ce que tu sens avant même que tu l’exprimes. Cette langue-là, moi, elle me connaît. Elle connaît des cachettes de vérité en moi. Certains mots sont accotés justement sur une certaine franchise.

LD : J’ai envie de te questionner sur le test des valeurs/test de français que le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) souhaite mettre en place pour les nouveaux arrivants au Québec. Que penses-tu de ce genre de mesure de « préservation » ?

EP : Avant le test, ce qui m’intéresse, ce sont les mesures qui sont fournies pour permettre l’apprentissage de la langue et les moyens mis en place pour donner le goût de cet apprentissage. Je pense aussi que le sort du français au Québec repose plus sur les épaules de ceux qui sont nés avec cette langue-là. Comment tu la vis, comment tu la parles, comment tu habites le manoir qui t’a mis au monde. Je pense que la première menace au français, elle est là : dans le mépris qu’un francophone a envers sa propre langue — la mesure dans laquelle il la trouve inapte à nommer ce qu’il ressent, inapte à nommer le réel. Le vrai réflexe nationaliste, il est là : s’intéresser à comment les mots s’écrivent, s’intéresser aux ouvrages qui sont pondus dans cette langue-là. La menace pour la langue française, je suis convaincu qu’elle est davantage dans le désintérêt qu’ont les Québécois francophones pour leur propre langue.

Courtoisie de la Scène D’Avignon

LD : Une de tes œuvres qui a fait beaucoup parler est ton slam féministe Force Océane, issu de ton deuxième album Marée Haute. C’est un texte assez coup de gueule, dans lequel tu adresses en vrac beaucoup d’enjeux liés à la condition féminine. Quel était exactement le message que tu souhaitais transmettre à travers cette chanson ?

EP : J’ai complete l’écriture de cette chanson-là en 2015, deux ans avant la vague du mouvement #MoiAussi. Je n’étais pas certain que ça allait être pertinent. Je me disais que Hillary Clinton allait être élue, que ça ne serait plus vraiment d’actualité, mon affaire. Finalement, l’histoire m’a donné deux belles claques dans la face. Le départ de cette chanson-là, c’était une tentative de nommer des sensations physiques. Si tu regardes le texte, toutes les phrases s’intéressent au corps, elles essaient de nommer de manière concrète le poids que, je pense, les femmes portent encore aujourd’hui. C’est une réponse à tous ceux qui disent que le féminisme n’a plus sa raison d’être. Je crois beaucoup à l’idée que le monde a été bâti sur le dos des femmes. Cette force-là, qui les habite, on a toujours trouvé des stratégies pour l’invisibiliser. Je pense que ça ne peut pas durer. Et c’est de cette force-là que j’avais envie de témoigner.

Je pense que la première menace au français, elle est là : dans le mépris qu’un francophone a envers sa propre langue — la mesure dans laquelle il la trouve inapte à nommer ce qu’il ressent, inapte à nommer le réel

LD : Tu termineras au mois de novembre les derniers spectacles de ta tournée pour Marée Haute. Quels sont tes projets à venir ? 

EP : Eh bien, je vais me remettre tranquillement dans le bain de l’écriture. J’ai déjà quelques petits trucs d’écrits, ici et là. La fin de la tournée va me permettre d’avoir le temps d’asseoir tout ça. 

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Émile Proulx-Cloutier complétera la tournée de Marée Haute le 30 novembre prochain au Gésu. Quelques places sont encore disponibles. Vous pouvez également vous procurer ses albums Aimer les monstres et Marée Haute chez n’importe lequel de vos disquaires indépendants préférés.


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