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Table ronde : en solidarité

BSN et ISA discutent de comment être allié·e·s dans un contexte colonial.

Simon Dos Santos

Que signifie le fait d’être un·e (bon·ne) allié.e dans un contexte colonial ? Kai, étudiante en sciences politiques, Chloe Kemeni, étudiante en sociologie et études de genre, Janelle Bruneau, étudiante en géographie et études autochtones, et Noah Favel, étudiant en histoire et études autochtones, ont tenté de répondre à cette question lors d’une table ronde organisée par le Black Students Network (BSN) et la Indigenous Students Alliance (ISA). Cette activité a eu lieu dans le cadre des semaines de sensibilisation aux cultures autochtones (Indigenous Awareness weeks), qui se déroulent du 16 au 27 septembre 2019. Plus de 50 personnes se sont réunies en début de soirée, le jeudi 19 septembre, au sous-sol du restaurant de Thompson House, pour assister à l’échange.

Animée par des membres des deux organisations, Catie Galbraith (ISA) et Ayo (BSN), la table ronde portait sur l’importance et l’impact des liens communautaires ainsi que sur la représentation et les manifestations du colonialisme au sein de l’Université McGill. Le manque de professeur·e·s et d’employé·e·s noir·e·s ou issu·e·s des Premières Nations ainsi que la lenteur et la lourdeur administrative liée principalement au changement de nom des équipes sportives de l’école, suite aux nombreuses demandes faites par des étudiant.e.s autochtones au courant des dernières années (campagne Changez le nom), ont notamment été dénoncées.

« De plus en plus de personnes sont intéressées par les études autochtones, mais il y a un problème lorsque ces cours sont seulement donnés par des professeurs blancs, et que ces mêmes professeurs bénéficient de bourses de recherche et de financement pour faire ce travail, bourses qui pourraient aller à des professeur.e.s issu.e.s de nos communautés », a souligné Janelle Bruneau, une des intervenantes.

La décolonisation est-elle possible ?

Janelle Bruneau et les autres étudiant·e·s ont tenu à rappeler qu’il était difficile de décoloniser une université qui se situe sur un territoire non cédé et qui a été fondée par un propriétaire d’esclaves autochtones et noir·e·s, d’autant plus que McGill ne prend même pas la peine de reconnaître ces deux faits. Certaines démarches sont tout de même mises en oeuvre au sein de l’Université et permettent d’améliorer la situation petit à petit : la création de cours en études autochtones, la reconnaissance territoriale, l’organisation d’événements tels que les semaines de sensibilisation aux cultures autochtones et l’éventuel changement de nom des équipes sportives. 

Bien qu’il y ait de l’espoir qu’un réel changement se produise, il reste tout de même un long chemin à parcourir, ont mentionné Noah Favel et Janelle Bruneau, et les initiatives citées plus tôt reposent souvent uniquement sur le dos des étudiant·e·s et employé·e·s autochtones. Par où commencer, alors ? En ouvrant les portes à encore plus d’étudiant·e·s et de professeur·e·s autochtones, en organisant davantage d’événements similaires et en s’assurant que les étudiant·e·s aient des espaces pour partager leurs expériences, être entendu·e·s et écouté·e·s.

Des allié·e·s informé·e·s

Chloé Kemeni et Kai ont discuté de la place des allié·e·s blanc·he·s au sein de leurs organisations et mouvements, en soulignant l’importance de la conscience de soi et de l’éducation. « Google n’est pas difficile à utiliser », a dit Kai, en rigolant. « Il est facile de se renseigner par soi-même, puis de partager nos connaissances avec notre entourage ». « Et parfois, le simple fait de venir dans ce genre d’évènements représente déjà un grand pas », a ajouté Noah Favel, reconnaissant envers son audience. « Ce sera parfois inconfortable, mais tout ce qu’on vous demande, c’est de vous asseoir avec ce manque de confort et [de nous] écouter, puis d’essayer de comprendre », a conclu Chloé Kemeni.

Une alliance naturelle

L’organisation de cette activité a été prise en charge par Ayo et Catie Galbraith, les deux animateur·rice·s, ainsi que Vanessa Racine, co-présidente de la ISA, et Janelle Kasperski, conseillère en éducation autochtone et organisatrice des semaines de sensibilisation aux cultures autochtones. Ce partenariat entre diverses associations leur est apparu comme une « alliance naturelle » entre les communautés noires et autochtones, aux dires d’Ayo et de Noah Favel. En effet, souligne M.Favel, étudiant en histoire, ces communautés ont toutefois beaucoup de vécu commun, bien qu’ayant chacune leurs réalités propres et distinctes. 

La colonisation nord-américaine s’est faite en plusieurs étapes.  Certaines s’attaquaient directement aux communautés autochtones, visant entre autres à déconnecter ces dernières de leurs langues, de leurs cultures et de leurs territoires, d’autres visaient plutôt les communautés noires. Notons également que l’esclavage au Canada a touché à la fois les peuples autochtones et les personnes noires.

L’historien Marcel Trudel a recensé plus de 4000 esclaves au Canada, dont les trois quarts étaient d’origine autochtone, communément appelés des « panis », et le quart restant était d’origine africaine (voir L’Esclavage au Canada Français. Histoire et conditions de l’esclavage aux Presses de l’Université Laval et Deux siècles d’esclavage au Québec chez Hurtubise). 

La participation des Autochtones en tant qu’allié·e·s pour le chemin de fer souterrain qui permettaient à ceux·celles ayant soif de liberté de fuir l’esclavage du Sud des États-Unis en venant se réfugier au Canada a également été soulignée par Noah Favel, pour montrer que l’entraide entre les communautés autochtones et noires ne date pas d’hier. Tout laisse donc à penser qu’elle durera encore pour longtemps. D’autres activités organisées conjointement par le BSN et la ISA « sont envisagées, en prenant cette fois-ci soin d’inviter d’autres communautés racisées ou marginalisées à prendre part à la discussion », a confié Ayo, sans toutefois confirmer de date officielle ni de thématique précises pour ces activités. À surveiller, donc, sur les pages Facebook du Black Students Network et de la Indigenous Students Alliance.


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