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Un ballet de haut vol

Le Ballet national de Pologne danse un Lac des cygnes impeccable à la Place des arts.

Damian Siqueiros

Si l’un des plus célèbres ballets, maintenant considéré comme un chef‑d’œuvre et comme l’une des plus grandes réalisations de la culture russe, fut d’abord un échec à sa sortie en 1876, il a ravi les planches le 21 février 2019 à la Place des arts. En effet, la production du Ballet national de Pologne a enchanté le public montréalais, qui a applaudi après chacune des danses. 

Une transposition judicieuse 

Conte de fées à l’origine, l’intrigue bien connue a cette fois-ci été transposée à l’époque de la Russie impériale, dans les dernières années de la vie de Tchaïkovski, c’est-à-dire de 1884 à 1896. Le chorégraphe Krzysztof Pastor a en effet constaté une similitude entre l’histoire du **Lac des cygnes** et un célèbre épisode historique du règne du tsar Alexandre III. Voulant distraire son fils, le prince héritier russe Nicolas, de son amour de jeunesse pour la princesse Alix de Hesse, le tsar lui présente la jeune ballerine Mathilde Kschessinska, danseuse étoile. Cependant, le romantique Nicolas tombe amoureux de la jeune femme et s’ensuit une passion qui fait presque renoncer le tsarévitch au trône. Toutefois, Nicolas retrouve la raison ainsi que son amour pour Alix, qu’il épouse avant d’être couronné tsar après la mort de son père. Dans la mise en scène du Ballet national de Pologne, le prince Siegfried est représenté par Nicolas, Odette par Alix, Odile par Mathilde, et Rothbart par Alexandre. L’histoire des cygnes enchantés, racontée dans le livre préféré de Nicolas, lui apparaît en rêve. Le choix de la transposition est original et intéressant, mais peut engendrer de la confusion et de l’incompréhension chez le spectateur familier avec l’intrigue originale. 

Un décor réaliste 

Ainsi, dans les superbes décors de type trompe‑l’œil figurent tour à tour les salles du palais impérial, le lac à Krasnoïe Selo et la salle de bal de Mathilde. Quant aux costumes, tout en couleurs et en brillants, ils sont fidèles aux vêtements de l’époque. Cependant, l’immense cape de Rothbart/Alexandre semble le gêner dans ses mouvements et distrait l’attention du spectateur sur l’action. De plus, sa couleur cuivrée détonne dans la palette de couleurs du reste des costumes. 

Une synchronisation inouïe

Bien que le chorégraphe ait adapté le livret et la chorégraphie, il a conservé les séquences de danse célèbres des chorégraphes contemporains de Tchaïkovski, Lev Ivanov et Marius Petipa. Les danseurs du Ballet national de Pologne font preuve d’une maîtrise remarquable et d’une synchronisation exceptionnelle dans les chorégraphies du corps de ballet. Les mouvements des cygnes sont exécutés admirablement et leur pas de quatre est d’une coordination époustouflante. Tandis que Maksim Woitiul (Volkoff le hussard) démontre une grâce et une précision épatantes, Vladimir Yaroshenko (Nicolas) est doté d’une belle souplesse. Le pas de deux de Nicolas et du tsar mourant est particulièrement touchant et réalisé avec beaucoup de dextérité. 

Cependant, la fin du spectacle bat de l’aile. En effet, la scène finale ne contient pas l’air célèbre du ballet, et est suivie  d’un « épilogue » peu pertinent car très bref, qui présente le couronnement de Nicolas.


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