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Frais anti-violence : illégitimes ?

Bryan Buraga s’attaque aux exécutifs à la commission juridique.

Vittorio Pessin | Le Délit

Le 14 octobre dernier, Bryan Buraga, sénateur de la Faculté d’arts et de sciences et membre du conseil législatif de l’AÉUM (Association étudiante de l’Université McGill, SSMU en anglais, ndlr) a fait appel à la commission juridique, chargée de régler les différends au sein de l’association. Sa motivation : prouver que la décision d’adopter un fee levy anti-violence, c’est-à-dire de rajouter une somme aux frais de scolarité de chaque étudiant pour financer la nouvelle politique sur les violences sexuelles et genrées, est inconstitutionnelle. Le 20 octobre dernier, celui-ci a plaidé face à Tre Mansdoerfer, président de l’AÉUM, devant cinq membres de la commission.

Pourquoi se rendre jusque là ?

Dans sa déclaration d’ouverture, Bryan Buraga tient à se présenter avant tout comme un étudiant, et un « survivant de violences sexuelles ». Entre plusieurs longues pauses, celui-ci avoue être obligé de sacrifier certains éléments de sa propre vie sociale par peur de rencontrer son agresseur·e, et être parfois contraint à le·la rencontrer dans divers environnements. « tout cela continue de m’affecter ».
Le sénateur déclare ainsi vouloir montrer que le président de l’AÉUM, Tre Mansdoerfer, ainsi que le vice-président aux Finances, Jun Wang, ont failli aux responsabilités de leurs postes respectifs. Tout d’abord, en prouvant que les processus menant à l’instauration d’un fee levy ont été inconstitutionnels, puis en soulignant que le président et le vice-président aux Finances ont manqué à l’article 16.1 de la Constitution de l’AÉUM, soit la norme de diligence (standard of care, ndlr), qui incombe à tout membre de l’AÉUM exerçant un pouvoir d’agir au mieux des intérêts des étudiants. « Nous devons attendre pour nous sentir en sécurité et cela est inacceptable ». L’instauration de la politique était en effet prévue pour plusieurs mois après sa présentation au conseil législatif.

Les contre-arguments

Tre Mansdoerfer, président de l’association, prend à son tour la parole. Celui-ci ne « souhaite en aucun cas discréditer l’expérience personnelle » du plaignant, seulement de prouver la constitutionnalité de l’action prise. Pour lui, l’instauration d’un fee levy était « la décision ayant le plus de sens », qui est extrêmement importante, et qui a bel et bien été approuvée par la majorité des votants du référendum.

Au cours de l’interrogation des trois témoins, soit Husayn Jamal, président du conseil législatif, Sam Haward, député du conseil et Orla Mahon, secrétaire de séance, les principaux points d’attaque de Bryan Buaraga se dévoilent ; la motion autorisant la question de référendum sur le fee levy approuvée au conseil du 11 octobre, ne devrait pas être légitime puisque qu’elle a été présentée trop tard et n’avait que trois signataires, alors que les règlements internes sur les élections et référenda stipulent qu’une motion de référendum en nécessite quatre. Cependant, la motion a été votée une deuxième fois lors du conseil du 18 octobre, appuyée cette fois-ci par quatorze conseillers, en réaction à cette inquiétude. Quant à l’aspect financier, B. Buraga aborde la récente dépense de l’AÉUM à l’occasion d’une fête d’Halloween, où près de 10000 dollars en factures taxis ont été immédiatement retirés du budget. « Cela montre l’accessibilité des fonds », alors que la politique anti-violence ne demanderait que 20000 dollars par année. « Il ne me semble pas que c’est trop demander ». Selon le président, une nouvelle dépense annuelle ne se compare pas à un coût imprévu. La question des dépenses des exécutifs ne rentre de toute façon pas dans la juridiction de la commission.

Procédés démocratiques ?

Le principe de démocratie a plusieurs fois été soulevé des deux côtés. Pour Byran Buraga, la motion a été votée via des procédés non démocratiques. Pour l’autre parti, la décision est démocratique puisque légitime, mais aussi par le simple fait qu’elle a été approuvée par la majorité des votants du référendum. Le plaignant rétorque que l’appui de la majorité ne résout pas l’inconstitutionnalité d’une décision. Il faut toutefois noter un détail additionnel : Bran Buraga se serait enlevé lui-même comme signataire de la motion du 11 octobre (il en était le quatrième), sans le notifier aux autres membres. Il affirme cependant avoir réalisé plus tard que cela poserait problème.

Qu’en retenir ? La motion a bien été réapprouvée le 18 octobre, avec bien plus de signataires que nécessaire. Au référendum, le OUI a gagné par près de 80%. Le président avance qu’il serait maintenant injuste d’ignorer leur voix parce qu’une procédure aurait été négligée. Si rien ne change, la politique anti violence devrait être appliquée en janvier 2018, ce qui semblerait pouvoir répondre à l’inquiétude principale de Bryan Buraga : qu’il y a une « crise immédiate de financement ».

L’opinion finale de la commission juridique sera rendue le 4 décembre, au plus tard.


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