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Mid90s : parcours initiatique

Retour sur l’attendu premier film de Jonah Hill.

Capture du film

On connaît plus Jonah Hill comme acteur. Un acteur comique, en surpoids, rarement pris au sérieux. On l’a catalogué comme tel. Il a même été nominé aux Oscars pour ça, dans Le Loup de Wall Street. Mais il a décidé de sortir de ce personnage, dont il a parlé des effets néfastes sur sa personne au cours d’une entrevue. Il a commencé à s’habiller comme il le voulait, à devenir « cool ».  Son amour pour les marques Palace, Dime, les t‑shirt tie-dye et ses boucles d’oreille en diamant ont contribué à faire de lui une icône du style sur internet. Le podcast Failing Upwards de Lawrence Schlossman et James Harris organise même depuis deux ans le « Jonah Hill Day » en son honneur. Et c’est dans ce contexte qu’est sorti le film Mid90s, sur sa passion pour le skate et les années 1990.

Produit par A24 Films, comme l’oscarisé Moonlight de Barry Jenkins, le film raconte l’histoire de Stevie, douze ans, habitant à Los Angeles, qui intègre une bande de skateurs. Ray, Ruben, Fuckshit et Fourth Grade deviennent ses nouveaux amis, et Sunburn son nouveau surnom. Il vit avec son frère Ian, fan de rap et qui le bat, et sa mère Dabney, célibataire. Avec sa bande, il découvre le skate, les cigarettes, les filles, l’alcool, l’amitié, la persévérance. C’est une construction narrative classique du roman d’apprentissage : on suit l’évolution d’un personnage, pris sous l’aile d’une figure plus âgée, qui essaie de devenir la version idéale de lui-même.

À part Lucas Hedges (Ian) et Katherine Waterston (Dabney), le casting est composé de skateurs, et non d’acteurs. Na-kel Smith (Ray) est skateur pour Adidas et Fucking Awesome, Sunny Suljic (Stevie)  pour Adidas. Le film est tourné en format 4/3, et en pellicule. Le choix de la pellicule est esthétique —de nombreuses imperfections ont été gardées—, ajoutant à l’aspect « 90s » du film, rappelant Kids de Larry Clark. Jonah Hill a beaucoup insisté pour créer un univers très cohérent : on y retrouve le magazine Big Brother, les marques Chocolate, Alien Workshop, Girl. Loin d’être de la pure nostalgie, ce film veut faire découvrir la vie et la culture de cette période, sur la côte ouest des États-Unis. La scène d’introduction montre la fascination de Jonah Hill pour cette période, avec les CDs des Geto Boys, les Jordan 5, et les jerseys des Blackhawks.

Rétrospective de l’enfance

Mais ce n’est pas pour autant un film de skate. S’il est central dans l’esthétique et les thèmes, il s’agit surtout un film sur l’adolescence,  la famille et la peur de grandir. En effet, les discussions sont parfois dures, émouvantes. La mise en scène assez simple permet de capter des émotions pures, de façon naturelle. Le dialogue  entre Ray et Stevie est marquant, les acteurs livrant leurs angoisses aux spectateurs. C’est toutefois un film très amusant. Leurs discussions, grâce à Fuckshit et Fourth Grade, sont particulièrement drôles. 

J’ai beaucoup aimé ce film. Il ne tombe pas dans l’écueil de la nostalgie ou de l’érudition. Les références au monde du skate et du rap font partie du « hors-champ » du film. On peut apprécier et comprendre le film sans connaître le Wu Tang Clan. Elles sont plutôt une valeur ajoutée. La réalisation simple, avec une photographie naturaliste, permet de faire ressortir la beauté de Los Angeles et des acteurs. Étant un premier film, le style n’est pas particulièrement défini, et peut faire écho à d’autres réalisations indépendantes américaines, comme les autres productions A24. Mais ceci n’empêche pas au film d’être beau, cohérent, amusant et touchant. Pas besoin, en somme, d’être un « 90s kids » pour apprécier ce film. 


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