Aller au contenu

Le parcours d’une jeune clown

Le Tuesday Night Café présente In Denial, pièce aux allures circaciennes

Nous sommes tous dans le déni de certains aspects de notre propre personnalité, et c’est souvent ce pour quoi nous sommes le plus doué que nous refusons de montrer. Mais le déni fait-il de nous un clown ? Pour Rachel Resnik, la réponse est oui, et c’est ce qu’elle montre dans la pièce qu’elle a écrite et dans laquelle elle joue seule : In Denial. Présentée par le Tuesday Night Café, une compagnie de théâtre dirigée par des étudiants de McGill, In Denial est une suite de sketchs très énergiques, et même excentriques, qui portent sur un seul thème : le déni. Fortement inspirée de sa propre vie, Rachel crée des situations comiques dans lesquelles elle est forcée de faire face à son destin de clown, et, de la comédie physique (elle porte un nez rouge tout au long du spectacle) naît l’ironie dramatique.
Être un clown pose en effet des problèmes dans les situations de la vie quotidienne, comme lors d’un premier rendez-vous (qu’elle joue avec une image en carton de Clarke Gable d’Autant en emporte le vent), ou lors d’une audition pour un spectacle (elle chante Defying Gravity avec un peu trop de force, debout sur une échelle). Après l’audition, évidemment un échec, elle se couvre de plusieurs papiers de « Mac Do », déprimée. Mais tout à coup elle se dit qu’heureusement « c’est le bon moment pour chanter ! » et elle chante une chanson sentimentale à un Big Mac. Sa personnalité est franche, exubérante, et un peu incontrôlable : elle se moque constamment d’elle-même, et le spectateur est convaincu qu’elle devient la personne la plus drôle possible.
Le fait que sa pièce soit tirée de ses expériences personnelles donne substance à son absurdité ; son personnage est une exagération d’elle-même, et les blagues les plus drôles sont celles qu’elle improvise : dans l’un des sketchs, elle présente une émission de radio pour laquelle les auditeurs l’appellent : cassant par hasard le téléphone, elle exprime sa surprise, puis dit nonchalamment : « Je continue de vous parler comme si je ne venais pas de casser le téléphone ». C’est cette proximité avec son public et avec son personnage qui permetent à Rachel d’être un électron libre sur la scène. En fait, l’une de ses metteuses en scène, Julie, dit que l’aspect le plus difficile, mais aussi le plus amusant de la direction de cette pièce, c’est qu’elle ne peut jamais être sûre de ce qui se passera dans les répétitions. « Je continue d’écrire la pièce dans ma tête, même lorsque je suis entrain de la jouer », dit Rachel. Être une version de soi-même sur la scène lui permet de faire autant d’improvisation.
À la fin de la tornade qu’est ce spectacle, Rachel rencontre encore une fois l’image en carton de Clark Gable, et montre sa tristesse lorsqu’il lui dit qu’il ne sort pas avec les clowns. C’est à ce moment-là qu’elle accepte vraiment ce qu’elle est, en disant aux spectateurs, avec surprise : « Je suis… clown ! » (comme si le nez rouge n’était pas une indication suffisante).
Dans la vie, Rachel est vraiment un clown qualifié ; elle a appris le « clowning » dans une école de cirque à New York. Avoir deux parents dans le cirque a certainement une influence sur sa volonté de poursuivre cette carrière. Sa réponse à la question « qu’est-ce qu’un clown aujourd’hui ? », c’est qu’il s’agit de beaucoup de comédie physique, de gestes très exagérés (comme on l’a bien vu dans son spectacle), d’un peu de danse, mais généralement d’avoir la capacité d’être une caricature de soi-même. Une de ses grandes influences, nous dit-elle, est Will Ferrell : « Typiquement, les gens ne pensent pas à lui comme un clown, mais de ma perspective, c’est plus son genre de comédie ».
En accord avec le thème de sa pièce, elle ne sait pas vraiment ce qu’elle va faire dans le futur, avec une majeure en Histoire et deux mineures en Théâtre et Italien. « Je suis toujours dans le déni », dit-elle. Mais elle projette de montrer son spectacle à New York, Toronto, et peut-être dans d’autres villes encore. « Ça, c’est une version préliminaire : il me faut travailler beaucoup plus sur le script ». Cette pièce, donc, va continuer d’évoluer, en accord bien sûr avec l’évolution de Rachel elle-même. Acceptera-t-elle un jour son destin de clown ? Il faudra suivre son spectacle pour en être certain.


Articles en lien