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Voyage avec Nuné Melik

La violoniste d’origine arménienne nous fait redécouvrir un répertoire méconnu.

Courtoisie de Promusika

Le 25 octobre dernier, la violoniste Nuné Melik et le pianiste Michel-Alexandre Broekaert se sont réunis le temps d’un concert d’une heure, à la Salle Claude-Léveillée, salle intimiste de la Place des Arts de Montréal qui compte à peine plus de cent vingt sièges. La violoniste, d’origine arménienne, a souhaité faire découvrir à ce public très restreint des morceaux tirés, ou inspirés, du répertoire caucasien. L’occasion pour Nuné Melik de présenter un fragment de son premier album paru en octobre 2017, intitulé Hidden Treasure.

Entre musique et musicologie

L’album original de Nuné Melik est construit à partir d’une idée précise : mêler découvertes musicales et savoir historique. Cette démarche s’explique par le parcours spécifique de l’artiste, qui conjugue formation de musicienne et formation de musicologie.

Le thème grave (…) rappelle l’élégante conduite des lignes mélodiques de Dmitri Chostakovitch

Après avoir terminé une maîtrise en interprétation à l’Université de Montréal, Nuné Melik commence un travail de thèse sur les œuvres du compositeur arménien Arno Babadjanian dans le cadre de son doctorat à l’Université McGill. Par sa formation, Nuné Melik jouit d’un double avantage : elle peut appréhender l’histoire de la musique, et en particulier l’histoire de la musique arménienne, au travers de sa sensibilité de musicienne, tandis qu’elle enrichit sans cesse sa pratique instrumentale par ses connaissances des œuvres, de leur contexte et de leur histoire. En effet, son mode de jeu varie en fonction de la pièce choisie. Par exemple, Nuné Melik applique une technique musicale particulière dans Apricot Tree, œuvre issue du folklore arménien, composée par Komitas Vardapet au début du XXème siècle. Par moments, la violoniste refuse un son clair et net, s’écartant de l’idéal du son pur recherché par la musique classique occidentale, et opte pour un son brut, étouffé, presque âpre, produit par des frottements appuyés de l’archet sur les cordes du violon. Ce choix s’appuie sur un savoir musicologique précis : il traduit la volonté de se rapprocher le plus possible du timbre produit par le kemantcha, instrument à cordes frottées caractéristique de la tradition arménienne.

Valoriser un patrimoine négligé

Le projet de Nuné Melik, au travers de ses recherches et de la programmation de ses concerts, est de mettre en valeur la richesse et la diversité de la musique arménienne. En ce sens, elle choisit d’interpréter des œuvres d’un répertoire moins fréquenté : on pense notamment à la Sonate pour violon op. 1 de Karen Khachaturian, neveu du célèbre Aram Khachaturian, compositeur incontournable du répertoire arménien. Composée en 1947, cette sonate s’éloigne du folklore traditionnel arménien pour mêler différents styles et influences. Tandis que, avec ses rythmes vifs et syncopés, le premier mouvement puise dans un vocabulaire jazz, le thème grave, mélancolique et langoureux du deuxième mouvement rappelle l’élégante conduite des lignes mélodiques de Dimitri Chostakovitch, de qui Karen Khachaturian fut l’élève.

Accompagnée par le discret et talentueux pianiste Michel-Alexandre Broekaert, Nuné Melik arpente un répertoire méconnu, de manière subtile et brillante. Ses concerts et son album sont pour elle l’occasion d’expliquer sa démarche, ses intentions, et ses choix d’interprétation, afin de faire découvrir et apprécier des œuvres rarement jouées. Le public est ravi ; il faut avouer que la Salle Claude-Léveillée est le lieu parfait pour lier pédagogie et musique, voyage musical et intimité entre public et interprètes.


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