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Le balancier du PLQ

Chaque semaine, Le Délit analyse un aspect de la politique québécoise.

Au cours de son histoire, le Parti libéral du Québec (PLQ) a adopté plusieurs orientations politiques radicalement différentes. En fait, le parti s’est toujours en partie défini en fonction de son principal adversaire politique. Au début du 20 e siècle jusqu’aux années 1940, face à des nationalistes religieux plutôt en faveur de l’interventionnisme social et proches du clergé catholique qui aidait les francophones défavorisés, le Parti libéral se fit le défenseur du laissez-faire économique et des hommes d’affaires. Par la suite, face à l’Union nationale de Maurice Duplessis, à qui l’on reprochait de laisser trop de contrôle dans les domaines de l’éducation et de la santé à l’Église catholique, le Parti libéral adopta une plateforme résolument interventionniste. Les premiers ministres Adélard Godbout (1939–1944) et surtout Jean Lesage (1960–1966) donnèrent pour la première fois à l’État le contrôle de la santé et surtout, de l’éducation. Finalement, lorsque le PLQ fut confronté aux nationalistes de gauche du Parti québécois (PQ), le parti s’est repositionné de nouveau. Dans les quarante dernières années, il s’est fait le défenseur des politiques de droite et de centre droit, laissant au PQ  le soin de poursuivre les réformes de la Révolution tranquille.

Un nouvel adversaire

Aujourd’hui, pour la première fois depuis la victoire de l’Union nationale en 1966, le Parti libéral a été défait par un autre parti que le Parti québécois, qui de surcroît est un parti ayant essentiellement les mêmes positions économiques. La Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault a fait campagne sur les mêmes thèmes que les libéraux des vingt dernières années, c’est-à-dire en proposant une meilleure gestion des finances publiques et en promettant de baisser les impôts. En outre, la CAQ n’a pas fait la promotion de l’indépendantisme, ce qui a fortement nuit à la mobilisation du vote fédéraliste à l’extérieur de la métropole. Si l’on exclut les espaces privilégiés où le vote anglophone et allophone leur est encore largement acquis, les libéraux ont subi une défaite aussi dure que celle du PQ. Et encore, même dans ces espaces, le parti a perdu beaucoup de votes, incapable de motiver ses électeurs·rices.

Au cours du siècle dernier, les seules choses qui n’ont pas changé au sein du Parti libéral ont été l’opposition au conservatisme social et la méfiance face au nationalisme. Quelles que soient leurs positions économiques, les libéraux ont toujours été prompts à défendre les libertés individuelles. Encore aujourd’hui, il s’agit du principal dénominateur commun entre les membres du PLQ. C’est aussi ce qui sépare les libéraux des péquistes et de leurs nouveaux adversaires caquistes. Ainsi, avec Québec solidaire, c’est le seul parti qui semble capable de rallier à sa cause les minorités ethniques, linguistiques et religieuses du Québec. 

Du côté de l’idéologie économique, l’orientation que prendra le Parti libéral dépendra en grande partie de l’issue de la course à la chefferie. Deux des grands favoris de cette course, l’ancien ministre de l’Éducation Sébastien Proulx et l’ancienne vice-première ministre Dominique Anglade, sont d’anciens membres importants de feu l’Action démocratique du Québec (ADQ) et de la Coalition avenir Québec : si l’un d’eux réussissait à devenir chef, il est probable que le parti continuerait de présenter un programme économique similaire à celui de la CAQ aux prochaines élections. 

Cependant, certaines membres du parti réputées plus progressistes, telles que l’ancienne ministre de l’Éducation supérieure Hélène David ou la fiscaliste Marwah Rizqy, sont pressenties par les médias pour tenter leur chance à la direction. Si l’une d’elles réussissait à prendre les rênes du parti, on pourrait envisager un PLQ présentant un programme un peu plus à gauche que celui de la CAQ. Un retour aux idées interventionnistes des années 1960 combiné à la défense soutenue des libertés individuelles pourrait permettre au PLQ de s’adapter et de s’attaquer avec succès à son nouvel adversaire politique, comme il a su le faire dans le passé. 


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