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Cyril Dion éveille les consciences

L’écrivain et réalisateur cherche à démocratiser le débat écologique.

Hermine Demaël | Le Délit

« Le pessimisme de la connaissance n’empêche pas l’optimisme de la volonté ».  Cette phrase du théoricien italien Antonio Gramsci résume la réflexion proposée par Cyril Dion et Mélanie Laurent dans le documentaire Demain. Le film commence par un constat plus qu’alarmant : d’ici 2100, une partie de l’humanité aura disparu, en raison des multiples catastrophes environnementales qui s’annoncent. Nous ne pouvons plus ignorer cette réalité, aussi tragique et pessimiste soit-elle. Mais plutôt que de poursuivre la discussion sur ce ton et tomber dans un défaitisme moralisateur, les deux réalisateurs ont choisi d’ouvrir la porte à l’optimisme en partageant à l’écran différentes initiatives écologiques et durables entreprises à travers le monde. Ainsi ils nous offrent un film qui, pour une fois, nous redonne un peu d’espoir. Cyril Dion, dans ce documentaire, mais aussi à travers de nombreux autres travaux tel que son livre Petit Manuel de Résistance Contemporaine, fait le choix du combat, tentant d’insuffler aux spectateurs et aux lecteurs la volonté d’agir. C’est probablement ce qui explique le succès du documentaire, dont le box-office en France est mesuré à plus d’un million d’entrées. Cyril Dion, en offrant une vision positive du défi écologique, a fait le choix d’élargir la portée de son message, choisissant comme cible l’ensemble de la société civile.

Porter la voix

Demain a joué un rôle important dans l’éveil de la conscience écologique collective en France. Le consensus se modifie, la responsabilité change d’épaules et vient se poser sur celles des individus, qui apparaissent comme acteurs potentiels de changement. Demain, en s’adressant à la population d’une manière simple et visuellement réussie, permet de toucher la population d’une nouvelle manière. Voici le rôle que peut avoir la culture dans le débat environnemental : porte-parole d’un message d’espoir, source accessible d’information et vecteur d’action.

C’est ici que revient Gramsci, notre philosophe italien optimiste. Gramsci est un théoricien marxiste qui porte une grande attention à la notion de consensus dans sa réflexion sur la lutte des classes. Il affirme l’existence d’une hégémonie culturelle, mise en place et tenue par les élites, qui définit le consensus établi comme norme sociétale. Prenons par exemple les États-Unis : selon l’explication gramscienne, si les gens les plus pauvres ne sont souvent pas ceux qui sont en faveur de lois sociales, c’est que les classes dominantes ont réussi à établir le rêve américain du self-made man comme consensus. Dans le domaine de l’écologie, cela veut dire que les élites internationales telles que les gouvernements ou les grandes multinationales établissent la marche à suivre en matière d’environnement, et celle-ci a longtemps été caractérisée par l’ignorance et l’inaction.

Pour autant, comme Gramsci nous l’a dit plus haut, ce n’est pas la prise de conscience d’un consensus contraire à nos intérêts qui devrait nous empêcher d’agir. L’hégémonie de l’ignorance peut être renversée, et pour cela, la culture peut jouer un rôle essentiel. C’est le combat dans lequel s’insère Cyril Dion avec son travail : en informant, partageant, documentant, il participe au changement du consensus, et nous redirige vers des moyens d’actions concrets. Le film Demain a fait évoluer les mentalités en France, et de nombreuses autres initiatives artistiques  réduisent tous les jours le chemin entre la prise de conscience et l’action. La culture, lorsqu’elle s’adresse à l’ensemble de la société civile, apparaît comme un moyen d’amener la réflexion sur des alternatives de changement. 

Alors, n’attendez plus : créez, imaginez, dessinez, chantez, dansez, donnez à votre art la possibilité de changer le consensus…  et regardez  Demain si ce n’est pas encore fait !


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