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Nas Daily, invité spécial du Réseau de Ressources Arabes pour étudiant·e·s

Elie Elia

Le samedi 13 octobre, le célèbre bloggeur Nas Daily, de son vrai nom Nuser Yassin, était de passage à Montréal pour tourner une vidéo au Québec. Créateur de vidéos d’une minute par jour sur Facebook, Nas Daily voyage à travers le monde pour faire découvrir des pays inconnus du grand public et souvent peu représentés par les médias de masse.

Un contexte politique sous tension

L’intervention de Nas Daily a d’abord été précédée par celle du président du Réseau des Ressources Arabes pour étudiant·e·s, Karim Atassi, qui a insisté sur la nécessité de garder en tête le mandat non-politisé du Réseau mais toutefois, il a précisé que toutes les questions même politiques étaient possibles si elles étaient posées dans le respect et l’inclusivité. La veille, l’association mcgilloise **McGill Students In Solidarity For Palestinian Human Rights** avaient boycotté sur les réseaux sociaux la venue du bloggeur à Montréal, « un individu qui normalise de manière active l’apartheid israélien et efface la réalité des Palestiniens » selon leur communiqué. Le groupe souhaitait manifester devant le lieu de la rencontre mais affirmant qu’une sécurité policière était ordonnée, avait annulé la manifestation. De plus, l’association avait déclaré que leurs « tentatives dans la construction d’un dialogue sain avec le Réseau de Ressources Arabes pour étudiant·e·s n’ont pas été productives ». Le Réseau des Ressources Arabes a tenu à clarifier la situation : la police n’était pas présente sur place et malgré les « messages de haine » provenant de l’Association, ils souhaitaient rester fidèles au mandat non politisé du service offert à tous·tes les étudiant·e·s du campus. Nas Daily a accepté de répondre aux questions, qu’elles soient politiques ou non.

Un parcours peu commun

Nas Daily est l’aventure de Nuser, un Palestinien d’origine né en Israël et faisant partie des deux millions d’Arabes dans un pays majoritairement juif. Il obtient une bourse pour aller étudier à l’université Harvard à vingt ans et devient ingénieur informaticien à New York. Après avoir travaillé un an, il décide de quitter son travail et part au Canada. Il réalise alors qu’il a déjà consommé 24% de sa vie sans avoir accompli quelque chose qui lui tenait à cœur. C’est alors que l’idée de filmer une vidéo tous les jours lui vient en tête et il ses débuts sont compliqués : « Pendant les 200 premiers jours, personne ne regardait mes vidéos ».

Au moment où il commence à perdre espoir, une vidéo qui donne des astuces pour voyager à bas prix en Thaïlande explose sur les réseaux : il découvre comment plaire aux utilisateurs de Facebook avec un script en anglais simple et universel pour attirer les gens qui parlent à peine l’anglais, comme sa mère, une vidéo d’une minute et des sujets originaux dont peu de gens parlent. Dès lors, Nas se rend dans des pays inconnus des médias de masse ou vus sous un angle occidental comme les Philippines, la Malaisie et le Sri Lanka, notamment pour détruire les idées reçues véhiculées. Il dit d’un ton convaincu : « le monde est bien plus sécurisé que l’on pense ». Il aime particulièrement rencontrer des personnes avec une histoire hors norme et une expérience peu commune, mais il refuse de « capitaliser sur la souffrance de quelqu’un » pour faire des vues sur sa plateforme Facebook.

Nas est exigeant envers lui-même : il réalise une vidéo par jour, peu importe les évènements. Il avoue avoir travaillé même le jour où son père était opéré en Jordanie, ou en période de deuil. Son rythme de vie est intense car il change de pays presque toutes les semaines : « Je ne suis pas aussi heureux que les gens le pensent » faisant allusion aux sacrifices qu’il a dû faire pour réussir. Il compte d’ailleurs s’arrêter au bout des mille jours de vidéos pour se concentrer sur des nouveaux contenus. Il avoue sans mentir : « Je suis aussi perdu qu’à l’université, personne n’est jamais sûr de ce qu’il va faire dans sa vie ».

Les problématiques politiques

Beaucoup d’étudiant·e·s s’interrogent sur son identité et ses positions quant au conflit israélo-palestinien. Nas se considère comme éloigné des croyances religieuses, bien qu’il soit né dans une famille de confession musulmane, et il regrette que le simple fait de prononcer le mot Israël attise autant de haine au Moyen-Orient. Il ne regrette pas sa vidéo sur son voyage là-bas et aimerait inciter les gens à voyager dans les pays victimes de préjugés à cause de la situation économique et politique afin de se faire leur propre opinion. C’est la raison pour laquelle il a décidé de mettre en location gratuite un appartement sur le site AirBnB en Israël, pour donner aux gens l’opportunité d’y voyager.

Étant de nationalité israélienne, il avoue que c’est une chance et un problème à la fois : il peut voyager dans de nombreux pays comme Singapour mais il est interdit d’entrée sur le territoire de vingt pays dans le monde, comme l’Iran, où il peut perdre sa nationalité s’il s’y rend, ou encore le Bangladesh et le Pakistan. Son statut d’Israélien l’a aussi discrédité auprès de certains qui pensent qu’il trahit la cause palestinienne et il aimerait que plus de gens soient « modérés et nuancés ». Une autre polémique qui lui a attiré les foudres des extrémistes est une vidéo qu’il a faite lors de son voyage en Malaisie, où il a rencontré une jeune femme de confession musulmane qui souhaitait retirer le hijab, et montrait les stigmas qui existent autour des dogmes religieux. Enfin, lors de son voyage en Inde, il s’est marié dans une cérémonie traditionnelle indienne, ce qui a provoqué des réactions virulentes sur la question de l’appropriation culturelle. Son conseil sur les commentaires négatifs est tout simplement de les ignorer pour ne pas leur donner de légitimité.

La conférence s’achève sur une séquence vidéo où Nas Daily et les étudiant·e·s partagent le champ de la caméra. Ce jour-là, Nas dévoile finalement le sujet de sa vidéo sur le Québec, qui sera l’accès gratuit à la santé et son impact sur la vie des femmes et des enfants.


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