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La loi 151 suffira-t-elle ?

Une discussion sur les succès et les lacunes d’une loi inédite.

Fatima Silvestro | Le Délit

C’est le 8 décembre dernier qu’a été adopté le projet de loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur, un évènement attendu, notamment par les associations étudiantes d’universités québécoises. Cette dernière est un grand pas en avant, mais certains se penchent encore sur certaines de ses retenues ; la loi va-t-elle assez loin ? Cette question a fait l’objet du premier Devoir de Débattre, une discussion organisée par Le Devoir, animée par Marie-Andrée Chouinard, directrice de l’information du journal. Plusieurs invité·e·s, tels que Michel Patry, directeur de HEC Montréal, Mélanie Lemay, co-fondatrice de Québec contre les violences sexuelles et Sylvie de Barcelo, sous-ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, se sont penché·e·s sur le sujet.

Une étape importante

L’avis est unanime : la loi est une vraie prise d’action face à des problèmes graves, anciens et longtemps tabous. Elle vise, entre autres, à mettre en place des politiques obligatoires, à améliorer le traitement des plaintes, et à encadrer les relations. Les universités l’ont accueillie favorablement, y voyant un pas vers une toute nouvelle culture, face à celles du viol et du silence. À la question : « va-t-elle assez loin ? », les réponses se diversifient ; « une loi ne va jamais assez loin lorsqu’il est question des violences contre les femmes », lâche Sandrine Ricci, sociologue. D’après elle, certains points importants auraient été omis.

Un sujet qui fâche

La loi 151 n’interdit pas les relations intimes entre étudiant·e·s et leur professeur·e·s. Pourquoi ? « On laisse l’autonomie aux universités », et la crainte d’empiéter sur la Charte des Droits et Libertés rentre en considération. Pourtant, une telle relation amoureuse est presque toujours jugée « inacceptable », compte-tenu de la présence indéniable de relations de pouvoir inégales. Dans ces circonstances, le consentement est très problématique. Madame Ricci souligne aussi qu’il n’y a « pas seulement l’amoureux transi, mais aussi le prof ’ prédateur ». Une relation pédagogique normale deviendrait impossible dès que l’intimité s’y immisce.

Une politique avec « des dents » ?

Les sanctions sont pour beaucoup l’aspect le plus crucial de la loi ; auparavant, un·e élève ayant plagié était expulsé·e ; un·e élève agresseur·e ne faisait face qu’à quelques jours d’arrêt. Une incohérence jugée frappante, alors que l’Université reste l’acteur le plus important dans le mécanisme punitif, chargée de protéger l’étudiant·e, d’empêcher les impacts sur le cheminement académique, les rencontres avec l’agresseur etc. Sur ce point, l’autonomie des établissements est de nouveau préservée mais ceux-ci n’ont tout de même pas intérêt à être trop souples ; les répercussions sur la réputation représentent de réelles menaces. Le plus grand enjeu, qui semble encore paradoxal, est donc de maximiser la transparence du processus de sanction, tout en gardant intacte la confidentialité des victimes. Des objectifs ambitieux, mais impératifs ; Madame Barcelo tient à souligner qu’il sera possible d’ajouter des éléments à la loi sans processus judiciaire complexe, après quelques temps de pratique.


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