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Les coutures du rêve américain

À L’Opéra de Montréal, JFK retrace une nuit pleine d’espoir avant un jour fatidique. 

Webmestre, Le Délit | Le Délit

21 novembre 1963. « Jack » et « Jackie » Kennedy passent la nuit à l’Hôtel Texas de Fort Worth, la veille du jour tragique de la fusillade du président américain à Dallas. La mise en scène de Thaddeus Strassberger (Les contes d’Hoffmann, Nabucco, The Passenger) et la musique de Little et Vavrek redonnent vie à la dernière nuit de Kennedy dans une atmosphère onirique, peuplée des cauchemars et des visions inquiétantes du président et de sa femme, qui dorment dans les bras de Morphine et de ses sœurs.

Le destin comme tissage

L’opéra s’ouvre sur un chœur, constitué de la foule des spectateurs de Dallas, et de solistes, qui représentent le Destin. Ce dernier inclut la Fileuse, sous les traits de la femme de chambre de l’hôtel, le Mesureur, sous ceux d’un majordome, et le Coupeur du fil de la vie, mystérieux individu dissimulé dans l’ombre qui n’apparaît que dans la scène finale et qui n’est nul autre que l’assassin du président. Ainsi est révélée dès le début la métaphore filée du destin comme tissage, dont le récit tente de montrer les coutures. Le décor, digne d’un Broadway avec ses guirlandes de lumière qui vont des murs au plafond et celles au fond qui tracent les toits de la ville, et son immense enseigne lumineuse où est écrit « TEXAS » en vert fluorescent, semble annoncer au spectateur une comédie musicale. 

Cependant, l’intensité dramatique de l’ouverture et l’atmosphère poignante du reste de l’opéra contredit cette première impression. Toutefois, certaines scènes à tonalité parodique apportent de la légèreté à la profondeur du spectacle. 

Le reste du décor est constitué d’une estrade tournante sur laquelle sont placées les différentes pièces de la suite présidentielle de l’Hôtel Texas. Le positionnement de l’estrade au centre de la scène et sa surélévation semblent symboliser la métaphore théâtrale de la représentation publique du couple présidentiel. La notion de représentation est également illustrée par la projection de films de l’époque qui montrent tour à tour le mariage du couple puis l’assassinat de Kennedy.

Le rêve américain

Le spectateur est ainsi invité à vivre la dernière nuit du président dans son intimité la plus complète, puisqu’il pénètre également dans les rêves et les visions de ce dernier, tout en étant le témoin de ses scènes conjugales. Durant cette longue nuit médicamentée, John et Jacqueline seront tourmentés par différents fantômes, à la fois contemporains et causes de leurs angoisses, et passés, tel que celui d’Henry Rathbone, témoin de l’assassinat d’Abraham Lincoln et meurtrier de sa propre femme, Clara Harris.

L’étendue vocale remarquable de la mezzo-soprano Daniela Mack (Jacqueline Kennedy) permet à la chanteuse d’exprimer la panoplie d’émotions ressenties par le personnage avec brio. On se serait attendu à davantage de puissance de la part du baryton Matthew Worth (John F. Kennedy), mais une certaine timidité vocale témoigne à merveille de l’idée d’un président anxieux et malade. Particulièrement remarquables sont les voix de la soprano Cree Carrico (Rosemary Kennedy), dont les aigus font sentir la détresse psychologique du personnage, et du ténor Sean Panikkar (Henry Rathbone) qui est d’une puissance surprenante. 

La scène finale est cependant quelque peu décevante. Toutefois, le symbole de la représentation médiatique est là, et nous rappelle à nous, spectateurs qui vivons dans un monde médiatisé, que JFK a joué son rôle jusqu’à la fin.


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