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Sauver la presse francophone

40 ans après sa naissance, Le Délit risque de disparaître.

Alexis Fiocco

Les universités québécoises, censées être le lieu du savoir et du débat d’idées, manquent à leur devoir de protection de la liberté d’expression. Sans presse libre et indépendante au sein des universités, cette liberté d’expression ne devient que façade. Nous demandons aux dirigeants de l’Université McGill d’abolir la mesure exigeant la tenue d’un référendum quinquennal sur les frais de cotisation de 3$ par session que chaque étudiant est tenu de payer aux journaux étudiants, Le Délit, The Mcgill Daily et le McGill Tribune

Nous pensons que cette mesure fragilise la liberté d’expression au sein de l’Université tout en marginalisant davantage les voix minoritaires, telles que les voix francophones qui sont représentées par Le Délit, le seul journal francophone de l’Université McGill. Nous demandons à l’administration de l’Université d’abolir cette obligation qui précarise la francophonie et les journaux étudiants sur le campus. 

McGill néglige sa francophonie

Né sous le lys en 1977, Le Délit est la publication sœur du McGill Daily, créé en 1911, le plus vieux journal étudiant du Québec. Les deux rédactions forment la Société de publication du Daily (SPD), un organisme indépendant et à but non lucratif. Ce sont les éditeurs du Daily qui, lors des débats de la loi 101 sur le bilinguisme, ont reconnu la nécessité d’un journal entièrement francophone. Conséquement ils créèrent Le McGill Daily français, notre actuel Délit. Leur motivation était simple : favoriser l’entente entre les deux solitudes. 

À l’image des deux groupes linguistiques majoritaires du Québec, le Daily et Le Délit ont grandi dans l’interdépendance. Deux journaux, deux équipes, deux lignes éditoriales mais un seul bureau et une même vocation : proposer une presse libre et indépendante aux étudiants de l’université.

Jusqu’au 16 novembre, les étudiants doivent se prononcer sur la survie de ces deux institutions pour le référendum quinquennal. Un peu plus tôt ce mois-ci, le conseil législatif de l’Association des étudiants de l’Université McGill (AÉUM ou SSMU, en anglais, ndlr), a voté contre une motion de soutien au référendum d’existence de la SPD. Ce désaveu de la part des élu·e·s étudiants prouve leur absence de considération pour la francophonie à McGill.

Les francophones représentent pourtant 20% du corps étudiant, lequel est bilingue à plus de 50%. Pour tous ceux-là, Le Délit est un porte-parole et un acteur majeur de la vie étudiante. Dans ses pages, il couvre la scène et les coulisses de la politique étudiante mcgilloise, montréalaise et québécoise, désespérément cantonnée à la sphère anglophone. Dans la communauté, il joue un rôle prépondérant en co-organisant notamment la Francofête, une semaine de célébrations de la francophonie sur le campus. Il est aussi le représentant de McGill au sein de l’association de la Presse étudiante francophone (PrEF) et a remporté le prix du meilleur journal étudiant du Québec décerné par les Amis du Devoir. Ainsi, Le Délit relie nos étudiant·e·s francophones, parfois enfermés dans la McGill bubble, au reste du Québec. 

De l’importance de la presse étudiante

Au cours de ces dernières années, les journaux étudiants mcgillois ont été d’utiles lanceurs d’alerte sur le campus. Agressions sexuelles, dysfonctionnement chronique des services de santé mentale, précarité ou encore malnutrition étudiante, autant de sujets mis en lumière par le Délit et The Daily.

Par ailleurs, en l’absence d’une école de journalisme à McGill, les journaux étudiants compensent et forment à chaque année des dizaines de mcgillois·e·s au journalisme en français et en anglais. 

L’imposition de ce référendum menace les rédactions étudiantes comme une épée de Damoclès. Au lieu d’assurer leur fonction, elles se voient régulièrement contraintes d’allouer leurs maigres ressources à une campagne de survie. De plus, cette campagne devient en quelque sorte permanente, tant il faut se plier à la majorité et au bon vouloir des groupes de pression du campus. Comment, dans ces conditions, assurer la liberté de la presse et le fonctionnement même de la démocratie dans notre communauté étudiante ?

Nous comptons sur la bonne volonté de l’administration de l’Université McGill pour mettre fin à ce système référendaire qui précarise les journaux étudiants et met en péril la seule voix francophone, indépendante et libre du campus.

Signataires : 

Ronny Al-Nosir, chef de section innovations, automne 2016

Joseph Boju, rédacteur en chef, 2014–2015

Julia Denis, rédactrice en chef, 2015–2016

Inès Dubois, coordinatrice réseaux sociaux, 2014–2016

Céline Fabre, chef de section culture 2015–2016

Ikram Mecheri, rédactrice en chef, 2016–2017

Magdalena Morales, coordinatrice multimédias, automne 2016

Chloé Mour, cheffe de section culture, automne 2016 

Matilda Nottage, coordinatrice multimédias, 2015–2016

Esther Perrin Tabarly, cheffe de section société, 2015–2016

Théophile Vareille, éditeur de section actualités, 2015–2017

Arno Pedram, responsable multimédia Le Délit, hiver 2017, éditeur culture The McGill Daily, 2017–2018


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