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Délit de faciès

Les mcgillois débattent sur les violences policières et le profilage raciale.

Alexis Fiocco | Le Délit

Mercredi 8 novembre, Media@McGill et le Black Students’ Network organisaient une table ronde afin d’engager une discussion autour des violences policières et du profilage racial au Canada et aux États-Unis. Parmi les invités d’honneur, Desmond Cole, militant et journaliste, venu témoigner d’histoires poignantes sur la violence et le racisme à Toronto. À ses côtés, les auteures Robyn Maynard et Andrea Ritchie nous parlent de leurs ouvrages nouvellement publiés — « Policing Black Lives » et « Invisible No More », respectivement — et de leurs expériences à Montréal et aux États-Unis. Rachel Zellars, membre de la Faculté d’Éducation à McGill, présidait l’évènement.

Un panel d’intervenants

Maynard ouvrela discussion sur l’histoire du racisme à Montréal, rappelant que le fondateur même de notre Université, James McGill, était « propriétaire » d’esclaves. Pour elle, les racines de cette violence remontent au temps de l’esclavagisme et, contrairement aux idées reçues, n’est pas un problème typiquement américain. Elle affirme que les violences raciales sont banalisées et font partie du décor pour la plupart, à travers le ciblage des femmes noires par les services sociaux et les discriminations dans les écoles.

Andrea Ritchie continue la discussion et argumente sur la violence faite en particulier aux femmes noires et autochtones. Citant un nombre conséquent de cas de femmes agressées et/ou arrêtées par la police alors qu’elles étaient elles-mêmes en détresse, Ritchie accentue le fait que les cas de violence sur les femmes transsexuelles et les agressions sexuelles ne sont pas inconnues des forces de l’ordre.

Desmond Cole prend alors la parole et délivre des témoignages bouleversants sur les nombreux cas de violences policières contre les minorités à Toronto, où, dans une très grande majorité des cas, les assaillants ne furent jamais reconnus coupables. Ces récits troublants réduisent la salle au silence. Il insiste d’autant plus sur le fait que le budget consacré à la police à Toronto est l’un des plus importants. Pourquoi, se demande-t-il, doit-on toujours envoyer un homme armé régler le moindre conflit, même pour une simple plainte de tapage nocturne ? L’armement de la police en toute circonstance, selon Cole, n’est pas nécessaire. Rachel Zellars approuve et invite les membres du public à s’avancer et à s’exprimer.

Questionnement étudiant

On questionna Andrea Ritchie sur le sujet de son livre et sur son choix de se concentrer sur les femmes. À ce sujet, elle insiste sur le fait que, pour la majorité, les violences raciales ne concernent que les hommes, et que les femmes sont souvent oubliées ou non-considérées dans l’histoire, d’où le titre de son livre, « Invisible No More ». Robyn Maynard, quant à elle, répond à la question sur l’importance de l’histoire de l’esclavagisme et du racisme. Elle souligne de plus que les personnes noires sont depuis longtemps associées avec la notion de crime, mais, selon elle, le seul crime qu’on pourrait leur attribuer serait le simple combat pour la liberté et l’égalité. En rappelant que le droit de vote pour les populations noires ne fut attribué qu’en 1960 au Canada, elle conclue que cette violence banalisée est en grande partie expliquée par l’histoire du pays. 

Un débat à continuer

Nos trois invités terminent en expliquant que le problème n’est pas une simple histoire de « majorité contre minorité », mais plutôt une affaire de pouvoir lorsqu’il s’agit de répondre aux conséquences de ses actes. Pour reprendre les mots d’Andrea Ritchie : « Pour un policier, le bleu de l’uniforme prend toujours le dessus quelle que soit la couleur de sa peau ». Ils insistent sur les violences faites par les femmes et autres minorités en position de pouvoir qui sont souvent pardonnées grâce à leur position. Enfin, ils affirment que toute communauté se doit d’alimenter le débat sur le racisme pour mettre fin aux stéréotypes, et que chacun se doit d’évaluer individuellement l’humanité de son prochain en toute circonstance. 


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