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Demain matin, Montréal m’attend

Le TNM ouvre sa saison avec une comédie musicale en demi-teinte. 

Yves Ren

Le Théâtre du Nouveau Monde a lui aussi tenu à rendre hommage aux 375 ans de Montréal avec la comédie musicale « Demain matin, Montréal m’attend ». La pièce de Michel Tremblay, datant des années 1970, est connue à travers le Québec pour son ancrage local. Elle commence dans la petite ville de Saint Martin, à quelques centaines de kilomètres de Montréal, où la jeune Louise Tétrault décroche un prix à un concours de talent pour son chant. Elle décide de suivre les pas de sa sœur qui, une quinzaine d’années plus tôt, s’était rendue dans la ville pour y devenir célèbre. S’installe alors une tension entre les deux sœurs, l’une étant menacée par le talent de la nouvelle venue et l’autre, obnubilée par la gloire.                                  

  Le genre musical trébuche sur le texte

L’œuvre de Tremblay obéit aux règles du genre de la comédie musicale. Tout y est presque chanté, les chorégraphies sont survoltées et l’intention de divertir n’est jamais dissimulée. Son attachement à ces codes fait disparaître parfois le but même de raconter une histoire. On se perd dans les différents arcs narratifs qui s’installent le temps de quelques chansons pour finalement ne pas servir la trame. Le personnage de la Duchesse en est un exemple. Drag queen solitaire, elle chante plusieurs chansons à la suite pour, cependant, ne pas intervenir plus tard dans l’œuvre. Ceci se répète à plusieurs reprises  et le texte perd alors en intensité. La frustration est renforcée par un manque de subtilité dans le traitement des problématiques. Dans sa tentative d’être dramatique, la pièce plonge directement dans la facilité et l’évident, tout est dit et explicité immédiatement. Les traits d’humour font sourire mais désorientent du but narratif par leur quantité. On ne discerne pas non plus une vraie fin, ni de résolution, ce qui renforce l’aspect anecdotique de l’histoire. Au-delà de son identité québécoise, la pièce manque d’originalité et déçoit.

Une pièce qui ne s’adresse pas à tous

Les comédien·ne·s ont porté le spectacle et réussi à garder une énergie malgré les quelques lenteurs. On retiendra la performance d’Hélène Bourgeois Leclerc qui,  avec son rôle de sœur jalouse, réussit à capter les regards par sa présence scénique et la subtilité dans ses intentions de jeu, une performance qui vole la vedette à l’héroïne. De grands moyens ont visiblement été mis à disposition pour la production de la pièce. Des musiciens jouaient en direct, les changements de costumes étaient fréquents. Les lumières et décors faisaient d’un texte, pourtant classique, un spectacle haut en couleurs. Le public est emporté dans ce qui semble être un souvenir de jeunesse, avec des codes propres au Québec et à Montréal. A la fin de la pièce, voir les spectateurs donner une ovation donne l’impression d’avoir raté quelque chose. La pièce ravive quelque chose que seulement une partie d’entre nous peut posséder, la mémoire d’un sentiment, d’une ambiance et d’une œuvre culte propre à une décennie révolue. C’est finalement dans sa puissance évocatrice que semble résider la force de la pièce.


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