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Socialismo o muerte, ou les deux

Le meneur de la révolution cubaine s’est éteint.

Prune Engérant | Le Délit

«¡Hasta la victoria siempre, Fidel ! » titre Granma, l’organe officiel du comité central du parti communiste cubain, samedi 26 novembre. Celui qui avait, avec le Che, mené la révolution cubaine s’est en effet éteint à la Havane la veille, pendant la nuit. Celui qui avait été visé par la CIA quelques 638 fois (!) a fini par succomber à la vieillesse à l’âge bien respectable de 90 ans.

Une figure historique

Bien qu’il avait laissé les reins du pays à son frère Raoul dix ans auparavant, Fidel Castro restait le chef symbolique de Cuba. Il avait en effet dirigé l’île pendant cinquante ans, et conservait un rôle important dans le gouvernement.

Docteur de droit et de sciences sociales, le jeune Fidel avait, dans un premier temps, essayé de déchoir le sanguinaire dictateur Batista par la voie légale. Face à un échec, il s’exila en Amérique latine, où il rencontra un certain Che Guevara. Ensemble, ils ont théorisé et mené, en plusieurs fois, une révolution populaire.

Au début, ils avaient le soutien des États-Unis. Celui-ci s’est cependant rapidement évaporé après des différents financiers. Au fur et à mesure que les Américains tentent de faire tomber le gouvernement, Castro s’est déplacé vers la gauche sur l’échiquier politique. In fine, la révolution sera déclarée « socialiste » et l’île deviendra un satellite soviétique.

Dès lors, Cuba et son meneur jouent un grand rôle dans le monde de part de leur proximité avec le géant américain, et ce, en pleine guerre froide. Les tensions sont à leur apogée lorsque, en 1962, les États-Unis repèrent des missiles soviétiques sur l’île. Le spectre d’une guerre nucléaire fait retenir son souffle au monde entier.

Les tensions ne finiront pas par provoquer l’irréversible, mais aboutiront tout de même à un renforcement de l’embargo américain sur l’île socialiste. Celui-ci aura des effets désastreux sur l’économie cubaine, mais ne parviendra pas à faire tomber le régime.

Un bilan mitigé

Fidel Castro a fait de Cuba une des nations les plus prospères des caraïbes.

L’île revendique fièrement une des taux d’illettrisme les plus faibles au monde. Avec 99,8% de sa population alphabétisée, la proportion de Cubains capables de lire est plus élevée que n’importe quel autre pays du globe, hormis la Géorgie. En termes de proportion du PIB, Cuba investi plus dans l’éducation que n’importe quel autre pays.

Le système de santé est aussi souvent mis de l’avant par les défendeurs de la révolution, à raison. Cuba est un « modèle » pour le monde selon l’Organisation Mondiale de la Santé. Le taux de mortalité infantile y est plus faible qu’au Canada, et l’île a 58,2 médecins pour 10000 habitants. Pendant l’épidémie d’Ébola en Afrique de l’Ouest, Cuba avait envoyé le plus grand convoi de médecins pour assister les populations touchées.

Ce bilan extrêmement positif vient cependant se heurter au régime dur de l’île.

Cuba n’a en effet qu’un seul parti au pouvoir depuis la révolution. Des élections législatives ont lieu périodiquement, sans grand résultat concret puisque les seuls candidats ont été préalablement approuvés par le Parti.

Pour ce qui est des droits de l’Homme, la situation cubaine laisse aussi à désirer. Seule la presse issue de celui-ci (le Parti) a le droit de circuler, ce qui mène Reporters sans frontières à classer Cuba 169e sur 180 en termes de liberté de la presse. Il y a aussi une répression réelle sur les opposants au régime qui ont parfois été condamnés à de longues peines de prison.

Adios el Jefe

Le monde entier a commenté la mort du révolutionnaire cubain. Malgré certaines réjouissances, notamment parmi les communautés cubaines de Miami, la plupart des gens ont salué un homme important dans l’histoire du monde.

Philippe Couillard, premier ministre québécois, a présenté ses « condoléances au peuple cubain suite au décès de Fidel Castro », qu’il a appelé « un géant de l’histoire qui a marqué le 20e siècle ». Quant à Justin Trudeau, premier ministre fédéral, il a dit avoir appris la nouvelle avec « profonde tristesse » la disparition du leader « remarquable » et « plus grand que nature ».

Certains groupes étudiants ont pleuré sa mort, notamment ceux qui se revendiquent du même héritage politique que le guérillero Cubain. La Riposte socialiste par exemple, a souligné à quel point la disparition de Fidel mettait « un point d’interrogation sur l’avenir de la Révolution Cubaine ». Hasard du calendrier, ces derniers organisent un groupe de discussion portant sur « Fidel Castro et la Révolution cubaine » mercredi prochain à l’Université de Montréal.

Maintenant que le Jefe a disparu, Cuba va sûrement connaître un profond changement. L’ouverture économique vers les États-Unis, « l’empire » comme l’appelait Fidel, continue graduellement son chemin.

Fidel Castro avait dit que l’histoire l’absoudrait. Le futur nous le dira.

¡Hasta la victoria siempre !

Erratum : Un lecteur assidu a relevé une erreur qui s’était malencontreusement insérée dans le texte. Si la première version laissait entendre que l’embargo américain sur Cuba avait été placé à la suite de la crise des missiles de 1962, la vérité est autre : les État-Unis avaient déjà un embargo de longue date sur l’île. Le Délit vous prie de l’excuser pour cette erreur.


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