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Aux tweeters, scrutateurs et autres brutes

La féminité de Safia Nolin ne vous appartient pas.

Mahaut Engérant | Le Délit

Elle a appris la guitare toute seule sur Internet, sorti son premier album à l’automne 2015, ravi le Québec et remporté le Félix de la révélation de l’année le dimanche 30 octobre dernier. À la sortie de son album Limoilou, justement, Le Délit l’avait attendue au tournant pour une entrevue : elle nous avait bluffés par sa simplicité et sa présence familière. Safia Nolin, pour reprendre ses propres mots dans le magazine Châtelaine, a choisi d’«être vraie partout », sans excuses et sans complexes.

Une « pas de classe »

Safia Nolin est même tellement vraie qu’elle a accepté son Félix en jeans, espadrilles et T‑shirt à l’effigie de Gerry Boulet, tout en prononçant quelques sacres. S’est ensuivie une vague de critiques et intimidations à l’encontre de son apparence et de son allure. On vous épargnera les titres que la musicienne s’est vue décerner sur les réseaux sociaux. Elle a pourtant profité de sa créativité comme d’un échappatoire à l’intimidation qu’elle vécut adolescente. L’artiste a passé sa vie — et son début de carrière — à lutter contre ceux qui se servent des défis qu’elle lance à la norme et de son tour de taille pour critiquer son existence.

Me voici encore affairée à l’écriture d’un article féministe qui me fait penser que je suis à la fois outrée et pas vraiment surprise par les événements. Après tout, c’est loin d’être la première fois, et sûrement pas la dernière, qu’une femme sous la lumière des projecteurs se fait disqualifier parce qu’elle ne correspond pas au modèle qu’on veut lui prêter. Parce qu’elle est une femme et qu’elle ne s’excuse pas d’en être une. 

Dans l’œil du public, Safia Nolin, maintenant célébrité, est une cible d’intimidation facile. Il suffit de 140 caractères pour détruire l’assurance de quelqu’un depuis son canapé.

Une question de féminité

Le 1er novembre, Lise Ravary commentait la controverse dans le Journal de Montréal : « Nous nous sommes tellement battues dans les années 70 et 80 pour que féminisme ne rime plus avec bottes de construction, jambes pas rasées et ponchos en terre cuite. […] Encore aujourd’hui, les féministes radicales s’habillent comme si la féminité était toxique pour les femmes. » Correction, s’il vous plaît. Aujourd’hui, les féministes (ajoutons à cela toutes les femmes) s’habillent comme elles veulent, et ce que Mme Ravary qualifie d’«asservissement aux hommes » est une réappropriation de la féminité. Il n’appartient qu’à Safia Nolin de définir comment elle est femme, et si elle se retrouve dans les jeans et l’audace, on n’a rien à en redire. Le respect, ne ce n’est pas s’épiler, ou mettre des vêtements qu’on n’aime pas pour les autres, ce n’est pas vraiment sentir bon. Le respect, ça commence surtout quand on ne se permet pas de harceler.

Dans un texte publié sur Urbania, l’artiste appelle le Québec à s’assouplir, et se dit triste que les insultes reçues viennent surtout de femmes : « faites ce que vous avez envie de faire à la place d’être enragées contre celles qui se sentent libres de le faire. » Puis, elle ajoute qu’elle souhaite à chacun de se sentir un jour aussi fier qu’elle l’est. Elle garde la tête haute, les pieds sur terre et le coeur gros comme ça.  


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