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Grand angle sur Björk

Jesse Kanda

Jusqu’au 12 novembre, la fondation pour l’art contemporain DHC/ART se transforme en fenêtre sur le monde intense et poétique de Björk pour la première nord-américaine de son exposition  Björk Digital. Après Sydney, Tokyo et Londres, la Red Bull Music Academy et le Centre Phi présentent cette rétrospective immersive et interactive autour des nouvelles technologies. 

À chaque étape, une innovation 

Les visiteurs intrigués, rassemblés en petits groupes, prennent place sur des sièges pivotants dans une salle sombre. Après des instructions précises et des gestes hésitants, les casques et écouteurs sont mis et la voix de l’artiste se fait entendre… au fond d’une grotte volcanique islandaise qui entoure entièrement le spectateur. La vidéo pour  Black Lake, issue du dernier album de la chanteuse, avait été commandée par le Museum of Modern Art de New York dans le cadre de sa rétrospective sur l’artiste l’an dernier. L’exposition avait reçu des critiques virulentes, et beaucoup avaient accusé la vidéo pour Black Lake d’être un simple clip au lieu de l’œuvre immersive annoncée. La métamorphose de cette même vidéo en expérience de réalité virtuelle porte alors un message clair : l’artiste évolue constamment, repoussant les limites de ses propres œuvres au fil des expositions. Chaque vidéo fait partie d’un processus de recherche et de remise en question constant. Mouth Mantra  dépasse même les frontières corporelles, en nous transportant jusque dans la bouche de l’artiste alors qu’elle chante. La dernière expérience, Family, est particulièrement marquante, le visiteur avançant dans l’espace, créant lui-même du mouvement et des animations avec des manettes intégrant ses mains dans la vidéo.

Un voyage personnel

Le dernier album de Björk, Vulnicura, sorti en mars 2015, retrace chronologiquement le parcours émotionnel autour de sa rupture avec celui qui était son partenaire depuis plus de dix ans. L’utilisation de la réalité virtuelle lui permet donc de partager cette expérience individuelle le plus directement possible avec le visiteur. Certains se sentiront oppressés par la nécessité de suivre un groupe, d’enchaîner les vidéos parfois intenses à un rythme imposé. D’autres seront gênés par la proximité physique avec l’artiste et par le contenu parfois très personnel de son propos. Mais c’est avant tout un voyage d’une honnêteté et d’une créativité bouleversantes. Björk livre son cœur, et nous invite symboliquement à le réparer. En clôture du parcours, le visiteur produit en effet des fils virtuels colorés, liés au cœur ouvert de l’artiste, flottant parmi des montagnes illuminées. L’exposition devient alors un moyen de créer une nouvelle réalité mêlant art, technologie et nature afin d’exprimer, et de se libérer, de puissantes émotions.Suite du parcours

Au-delà de l’expérience de réalité virtuelle, l’exposition nous fait (re)découvrir la relation de l’artiste à différents médias. Une salle de cinéma projette plus de deux heures de clips musicaux, créés en collaboration avec des réalisateurs tels que Michel Gondry, Spike Jonze ou encore Michel Ocelot. Ne présentant rien de nouveau ou de spectaculaire, cela reste l’occasion de s’arrêter un instant devant des vidéos qui montrent souvent l’impressionnant esprit imaginatif de ses créateurs. Une autre salle invite les visiteurs à explorer l’application Biophilia, lancée en 2011 et aujourd’hui intégrée aux programmes scolaires scandinaves. Parmi d’autres fonctionnalités, elle nous enseigne la théorie musicale à travers des liens interactifs qui mettent en relation la musique avec des phénomènes naturels, tels que les phases lunaires ou les séquences ADN. Loin d’être une démonstration de prouesses technologiques, Björk Digital est ainsi une expérience unique et intense, au cœur de réflexions contemporaines. L’artiste construit une réalité personnelle, qui nous donne un nouveau langage visuel pour explorer la nôtre. 


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