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Un autre angle de la Terre

Depuis Londres, petit aperçu de la place du français.

Lisa El Nagar

Après avoir passé deux ans à suivre les débats sur l’utilisation du français au Québec, à Montréal et à McGill – débats qui semblent décidément loin d’être terminés, au vu d’un récent article du Devoir où McGill et Concordia affirment que les exigences linguistiques établies par le gouvernement québécois nuisent au recrutement des professeurs, et débats qui prouvent aussi que ce cher Délit est peut-être plus que jamais nécessaire – après avoir suivi les évolutions de la francophonie en Amérique du Nord, donc, je pensais en avoir fini en retournant sur le Vieux Continent.

Voilà que passer de l’autre côté de l’Atlantique me prouve qu’au Royaume-Uni aussi le français fait parler de lui. Ce n’est pas tant l’effet du grand nombre de Français et francophones présents depuis longtemps dans le pays, ni la place de Londres qui serait, selon Boris Johnson et Nicolas Sarkozy, la sixième ville française ; c’est plutôt l’enseignement du français à l’école, et l’(in)utilité de l’apprentissage de cette langue qui fait débat. 

Le français est, avec l’allemand, la langue étrangère traditionnellement la plus apprise dans les écoles et les lycées anglais. En 2010, on estime que 25% des enfants entre 7 et 16 ans ont suivi des cours de français pendant leur cursus scolaire. À partir de 2014, l’apprentissage d’une langue étrangère est devenu obligatoire dès l’école primaire. Le gouvernement a établi une liste de sept langues qui peuvent être choisies par les élèves et proposées par les écoles : le français y figure, au côté, entre autres, de l’italien, du mandarin et du latin. 

Toutefois, cette nouvelle loi n’a pas contribué à faire augmenter le pourcentage d’étudiants apprenant le français. Au contraire, on observe que l’enseignement de cette langue se fait de plus en plus rare : actuellement, à peine 150 000 élèves l’étudieraient jusqu’au lycée. 

Alors, que faire ? Faut-il essayer de maintenir l’apprentissage du français coûte que coûte, ou bien accepter que d’autres langues, et notamment les langues asiatiques, gagnent des points en même temps que ces pays gagnent en puissance à l’international ? Le déclin du français signifie-t-il nécessairement le déclin des pays francophones ? 

L’année dernière, le premier ministre du Royaume-Uni, David Cameron, a déclenché une polémique en incitant les jeunes Britanniques à laisser tomber les langues européennes pour apprendre le mandarin : « Quand les enfants qui naissent aujourd’hui quitteront l’école, la Chine sera la plus grande puissance économique mondiale. Il est temps de voir au-delà de l’apprentissage traditionnel du français et de l’allemand, et de faire apprendre le mandarin à plus d’élèves », a‑t-il déclaré dans une entrevue au Guardian.

Mais d’autres ont des positions bien plus extrêmes que celles du premier ministre. Le comédien et écrivain Liam Mullone a ainsi publié dans le journal conservateur The Spectator un article intitulé « Why I won’t let my children learn French » (Pourquoi je ne laisserai pas mes enfants apprendre le français, ndlr), dans lequel, après avoir démoli les possibilités économiques de la France, il réduit la francophonie à un mouvement de colonisateurs où les « valeurs françaises » associées à la langue n’ont jamais été d’actualité. Un beau portrait de la culture française et francophone, donc, à laquelle il concède quand même les bons cafés et les bonnes baguettes. 

Au Québec ou en Angleterre, le français fait parler de lui, même en anglais. Langue multiforme, changeante, et présente sur tous les continents, elle tisse des liens entre différentes communautés et cultures. Elle unit des peuples différents par delà les océans et c’est peut-être pour ça qu’il faut continuer à l’apprendre, à la défendre. « Ma patrie, c’est la langue française. »


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