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Un roman féministe nécessaire

Avec Le prix de la chose, préparez-vous pour une œuvre crue, farfelue et allumée.

Magdalena Morales | Le Délit

Le prix de la chose est le premier roman du journaliste Joseph Elfassi. S’inspirant de l’essai féministe King Kong Théorie de Virginie Despentes, qui comparait l’animalité sexuelle de l’homme avec celle du roi des primates, l’auteur nous offre un commentaire social sur les rapports hommes-femmes au 21e siècle. 

Elfassi raconte son histoire à travers la vie de Louis Roy, un jeune homme dans la vingtaine. Il semble être un  Joe Bleau, une personne ordinaire, ou un  dude, selon les dires de l’auteur. Il a un emploi qui lui permet de subvenir à ses besoins et de s’amuser un peu, il a son propre appartement et est peu cultivé. Le protagoniste se moque de sa carrière, de sa famille et de son entourage. Une seule chose l’intéresse : le sexe.

Sexe et argent

Le sexe et l’argent sont les deux thèmes dominants de cette œuvre. Comme l’apprend Louis, les hommes devront désormais payer pour avoir des relations sexuelles. Terminant ses ébats avec une de ses « conquêtes », Louis se fait dire qu’il doit lui verser la somme de 200 dollars . Il vit dans une société dans laquelle « F.», un groupe secret mené par la mystérieuse Julie Savoie recrute les femmes dans ses rangs afin de contrer la misogynie et la violence qui leur est faite par les hommes. Les transactions argent-sexe deviennent une norme sociale. Puis, il y a le « liquide ». Développé par « F. », il est injecté dans le corps des femmes et cause la mort à tout homme qui fait preuve de brutalité ou de force lors d’une relation. Le but est de mettre fin au viol, mais des victimes innocentes y succombent évidemment. L’auteur présente une caricature d’un Dominique Strauss-Kahn, de femmes « anti‑F », et d’un Canada devenu le paria de la communauté internationale.

Une mauvaise première impression

Lorsqu’on en fait une lecture au premier degré, le roman peut être décevant. Pour un lecteur non habitué à lire des œuvres crues, l’auteur, journaliste de profession, ne fait preuve d’aucune gêne. Selon le principal intéressé, l’opus a été rédigé alors qu’il était sans contrat, ce qui lui a permis de ne pas s’autocensurer tel qu’il le fait dans ses écrits journalistiques. Cependant, ce n’est pas le problème principal que l’on peut rencontrer avec l’œuvre. Le personnage est peu sympathique, l’œuvre trop courte, et le développement des personnages faible. De plus, le langage est très familier et la prémisse tirée par les cheveux. Ce roman met en scène une conspiration farfelue s’articulant autour d’un protagoniste au langage de bûcheron. 

L’absurde comme commentaire social

Cependant, le timing du roman lui donne une nouvelle importance, et peut porter le lecteur à avoir une solide réflexion sur l’état de la société québécoise, notamment sur les relations hommes-femmes. Après le  hashtag  des agressions non-dénoncées et les Jian Ghomeshi de ce monde, ce sont les agressions sur les campus universitaires qui dominent désormais les conversations sociales, entre les initiations à caractère déplorable à l’Université d’Ottawa, des intrusions dans les résidences de l’Université Laval et enfin une accusation d’agression sexuelle contre le député Gerry Sklavounos. 

Dans cette optique, on peut comprendre l’intention de l’auteur. Il pousse l’enveloppe jusqu’au bout, va dans le politiquement incorrect, et critique que certains hommes voient encore les femmes comme des objets. L’absurdité rappelle celle de Jonathan Swift au 19e siècle dans son œuvre  Humble proposition, sous forme de fiction. Un univers exagéré. Il est convaincu que ne pas être féministe en 2016 défie toute logique. Si le statu quo  est maintenu, et que l’on continue d’ignorer le problème de la culture du viol, nous n’atteindrons jamais une réelle égalité homme-femme. C’est ce qu’Elfassi tente de véhiculer dans son roman. À la première lecture, il peut choquer. Mais au-delà de la première impression, on y trouve une intrigue d’actualité. 


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