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Artiste, féministe, humaniste

Un documentaire sur les hommes vis-à-vis de la condition féminine

Si vous visitez le site Internet du cinéaste belge Patrick Jean, vous verrez l’image d’une jeune femme au Viêt Nam, qui vend des ballons dans la rue. Elle a l’air ennuyée, même un peu triste et vulnérable.

Il semble que le documentariste ait tendance à trouver et filmer la tristesse dans le monde, où qu’elle soit. On pourrait dire que c’est sa mission.

Il représente les grands thèmes de notre société, comme la pauvreté dans les films Les enfants du Borinage et La raison du plus fort et le grand backlash du mouvement féministe au Québec dans le film La Domination masculine.

Qu’il le fasse avec un œil critique sans perdre son mérite artistique fait de Patric Jean un artiste autant qu’un intellectuel. En fait, c’est son regard créatif qui donne la clairvoyance à un problème aussi difficile à définir que l’oppression des femmes.

Il voulait faire La Domination masculine au Québec, comme il le dit dans le film, parce que le Québec est plus avancé dans la cause féministe que les pays européens.

Cependant, la montée du mouvement contre le féminisme a commencé paradoxalement à partir du massacre de Polytechnique de 1989, parmi certains hommes qui se sentaient menacés par le pouvoir que les femmes gagnaient alors.

Aujourd’hui, le féminisme semble avoir régressé, pas seulement au Québec, mais partout dans le monde. Jean nous montre que le recul du féminisme dans un pays plus progressif suggère des implications pour les pays qui sont moins avancés. La hiérarchie des sexes imprègne la société, dans toutes ses expressions. Dès l’enfance, les rôles des sexes sont naturalisés dans le subconscient : dans les livres pour enfants qui représentent la mère dans la cuisine et le père dans sa chaise avec le journal, même les jouets emprisonnent les jeunes filles dans la maison.

Le film commence avec Jean faisant un collage d’images de bâtiments dessinant un phallus. Ce n’est pas une blague ; c’est un symbole du pouvoir masculin qui prévaut dans l’inconscient collectif depuis longtemps. Perspective intéressante quant au féminisme que de commencer le film avec l’image du pouvoir masculin. De même, le titre suggère que le féminisme n’est pas tant un problème de femme qu’un problème d’homme.

La séquence de la jeune femme vietnamienne se termine quand elle voit un homme qui l’approche, et tout de suite elle baisse les yeux. La portée de l’image n’est pas évidente, car elle représente non seulement toutes les femmes, mais l’effet d’une société patriarcale sur le subconscient de tous.
C’est l’espoir du cinéaste, en vue de La Domination masculine, qu’un jour cette femme ne baisse pas les yeux ; peut-être un jour ne vendra-t-elle pas de ballons dans la rue.

Patrick Jean gagne mon coup de cœur pour reconnaître et faire savoir que ce n’est pas sa faute : que le pouvoir masculin n’est pas un problème de femme, mais un problème social d’une grande étendue que les hommes doivent également essayer de résoudre. Mais on y est à peine.


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