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Plongée au sein de l’extrême droite

Jean-François Nadeau fait trois conférences ce mois-ci sur les mouvances extrêmes. 

Magdalena Morales | Le Délit

« Les fascistes ont beau être de droite, ils ne sont pas conservateurs pour autant. En réalité, ce sont plutôt des révolutionnaires » fait remarquer Jean-François Nadeau. C’est d’ailleurs ce qui est intéressant dans l’extrême droite. Souvent, on ne sait pas bien où, ni comment, la placer sur l’échiquier politique. Et pour cause : il serait faux de parler d’une extrême droite tant les mouvements, les idées, les tendances, et les opinions sont fracturés au sein de cette famille. D’ailleurs, à l’inverse de philosophies comme le marxisme, l’extrême droite ne se reconnaît pas dans un auteur, ni même un ouvrage, à partir duquel découlerait l’ensemble des mouvements se revendiquant de cette idéologie. C’est d’autant plus complexe que ces mouvements ont tendance à s’afficher comme anti-idéologiques. L’action, la force, le geste, ont tendance à avoir la primauté sur l’idée.

C’est donc pour essayer d’éclaircir un peu ce mélange aussi compliqué qu’intéressant que Jean-François Nadeau, journaliste au Devoir et historien spécialisé en nationalisme québécois, a entrepris de créer une conférence à trois volets portant sur « l’extrême droite au Québec dans les années 1930 » et présentée au cours des Belles Soirées de l’Université de Montréal.

Les origines de l’extrême droite

La conférence part d’un constat : l’extrême droite est apparue de façon indépendante et quasi-simultanée dans des régions du monde différentes. On peut donc dire qu’il y avait, fin 19e, début 20e siècle, des conditions objectives et communes à beaucoup d’endroits du globe qui  ont favorisé l’émergence de telles idéologies, sans que les chefs se consultent entre eux.

Ces conditions ont suscité l’intérêt de beaucoup d’invididus pour une compréhension du monde en termes de « races » hiérarchisées, et ont contribué à faire émerger un « Homme nouveau ». Celui-ci correspondrait à un être épuré du toute déviance, et représenterait une évolution de l’Homme, une espèce de surhomme nietzschéen à la sauce « race pure ».

Nadeau s’efforce donc de comprendre d’où viennent ces envies, et comment les différents mouvements se sont liés entre eux, se sont influencés tout en restant fondamentalement distincts. 

Nadeau le conférencier 

Jean-François Nadeau, c’est d’abord un historien et un politologue. Pour lui, « l’Histoire, c’est la capacité à étirer le temps pour le faire parler ». Or, le temps, il fait plus que l’étirer. Il le manie comme il le souhaite, le fait changer de forme pour le voir autrement, et le tourne dans tous les sens pour en dévoiler les rouages.

Peut-être est-ce cette qualité de spécialiste qui fait que Nadeau se refuse tout commentaire hâtif sur la politique ? La discussion avait en effet lieu pendant le troisième et dernier débat de la présidentielle américaine. « Traiter quelqu’un de fasciste, c’est un dérapage qu’on fait tous » nous explique-t-il. Et pourtant, il fait attention de ne pas le faire. Relancé maintes fois sur le sujet de Donald Trump, il restera sur sa position : pas d’analyse profonde, pas de rapprochement avec les mouvances des années 30, pas d’envolées lyriques à l’encontre du candidat américain. Nadeau semble formel : le format n’est pas adapté à une critique approfondie, et s’y lancer serait donc malhonnête.

Mais Jean-François Nadeau, c’est aussi l’animateur de « C’est une autre histoire » sur Radio-Canada. Parler à un public, il sait faire. Raconter l’Histoire c’est son métier, et il le fait bien. À un rythme entraînant et avec humour, il explique la montée du fascisme en Europe, et les liens entretenus entre l’extrême droite française et le Québec. Il plonge dans l’affaire Dreyfus, la lie à l’Action française, et en fait sortir Adrien Arcand (journaliste et homme politique québécois de tendance nazie et antisémite, ndlr).

Allez voir !

Vous pouvez donc, si vous le souhaitez, assister aux deux conférences restantes, qui s’intéresseront ces deux mercredi prochains à la distinction entre nationalistes et impérialistes, et aux chemises bleues d’Adrien Arcand, en compagnie de Nadeau, toujours. 


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