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Consentement, parlons-en

L’éducation au consentement sera toujours nécessaire.

Mahaut Engérant | Le Délit

Acclamées par certains, décriées par d’autres, les initiatives prises par McGill au sujet de l’enseignement du consentement font débat. Étant très proche d’une survivante et en ayant longuement parlé avec elle, j’ai souhaité partager mon opinion. 

Mieux vaut tard que jamais

L’éducation au consentement est nécessaire. Bien qu’idéalement il faille qu’elle commence dès le plus jeune âge, avec notamment une plus grande emphase sur la notion de respect de l’espace d’autrui (qu’il soit physique ou mental), être confronté à des campagnes éducatives telles que celle mise en place par McGill — et de plus en plus d’universités dans le monde — est crucial. 

Si de telles mesures ne feront malheureusement pas disparaître la plupart des viols et agressions (car oui, dans la majeure partie des cas, les violeurs savent qu’ils sont en train de violer), je crois sincèrement que cette initiation tardive peut avoir des effets très positifs, particulièrement dans le cas d’universités aux populations internationales comme McGill. 

En effet, de nombreuses cultures font de l’éducation sexuelle un véritable tabou, en particulier lorsqu’il s’agit de plaisir et non juste de reproduction. Je me suis d’ailleurs aperçue, par exemple, que je n’avais jamais appris à quoi ressemblait un clitoris avant cet été !

Dans le rouge ou dans le vert

L’introduction à la notion de consentement à l’arrivée en première année d’université est crucialement importante parce qu’elle permet de mettre tous les nouveaux arrivants sur la même page quant à ce qui est acceptable ou non. Donnons un exemple simple : pendant mon échange en Argentine, j’ai fait l’expérience d’une culture et rapports sociaux radicalement différents où il était tout à fait acceptable d’attraper (littéralement) une personne par laquelle on était attiré en soirée. Je me suis donc retrouvée à devoir systématiquement repousser, dans le sens physique du terme, des individus, et à finalement me déplacer en permanence entourée d’amis de sexe masculin lors de mes sorties pour pouvoir danser en paix (et encore). Ce qui était une expérience tout à fait désagréable pour moi semblait naturel à d’autres.

Ce que révèle cet exemple est que chaque culture ou communauté a sa propre notion du consentement et du respect, ou tout simplement de limite. Un nouvel étudiant arrivant à McGill et ayant été potentiellement habitué au genre d’expérience que je viens de décrire (ce n’est bien sûr pas le cas pour tous — il ne s’agit pas ici d’essentialiser ou de généraliser) n’aurait pas intérêt à reproduire le même genre de comportement à Montréal. Il pourrait l’apprendre de manière claire et précise via une sensibilisation à la notion de consentement, ou finir par le comprendre plus ou moins après s’être pris une série de gifles, par exemple. 

Il est évident que je ne cherche pas à diviser ou généraliser. L’éducation au consentement a pour but d’identifier et cibler les différentes manifestations du patriarcat et de la culture du viol — qui varient selon les contextes sociaux et culturels — au niveau local. 

Cet enseignement permet de fixer certaines limites, ou du moins de les rendre visibles à ceux qui n’en auraient pas encore pris conscience. En cela, elle permet d’éviter de nombreuses situations inconfortables, et probablement un certain nombre d’agressions et de formes d’harcèlement.

C’est ici qu’intervient la notion de « zone rouge » (les trois premiers mois à l’université, durant lesquels se déroulent un grand nombre d’agressions sexuelles et d’abus). Elle est due en grande partie, à mon sens, à la désorientation de nombreux nouveaux étudiants (quel que soit leur sexe ou genre) qui — en plus d’essayer de se repérer dans un nouvel environnement souvent radicalement différent de celui auquel ils/elles sont habitué(es) — font face à un mélange de pression des pairs, d’envie de s’intégrer, de compétition à de nombreux niveaux, parfois une première exposition/premier accès à l’alcool, mais aussi et surtout, aux relations sexuelles et la sexualité en général. En effet, de nombreux étudiants arrivent à l’université en n’ayant jamais eu de rapports sexuels. 

Un point crucial est que l’initiation au consentement permet simplement d’apprendre qu’il est tout à fait acceptable de dire non. 

Attention à ne pas tout mélanger

Une chose importante cependant, est que l’enseignement du consentement vise en principe à réduire le nombre d’agressions et situations inconfortables en apprenant à reconnaître sa présence (ou absence). Elle vise l’amont, et non l’aval, c’est à dire qu’elle n’est pas sensée être dirigée vers les survivants. En cela, la campagne #ConsentementMcGill peut porter à confusion. Si cette campagne et les activités qu’elle propose au sein de l’Université me semble cruciales et un bon début, il est cependant vital de faire plus, et vite, pour les survivants. Mais il me semble contreproductif et démesuré de dire que l’éducation au consentement promeut la culture du viol et du silence. 


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