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Soyons difficiles à gouverner

La 11e édition des Rencontres Maîtres chez Vous 2016 appelle à l’implication.

Kary-Anne Poirier

L’implication de la relève dans la société civile, mais surtout en politique agissait à titre de point focal de l’ensemble des discours des panélistes et conférenciers présents à cette 11e édition des Rencontres Maîtres chez Vous. Présenté par Force Jeunesse, le colloque a eu lieu le 12 mars dernier à HEC Montréal. 

Les Rencontres Maîtres chez Vous sont devenues un incontournable pour les jeunes passionnés des affaires publiques. Elles mettent à l’honneur le débat public en proposant un espace privilégiant les échanges entre les jeunes de notre génération et les décideurs et les personnalités influentes de notre société. Les discussions éclatées qui découlent enrichissent les rencontres et l’événement demeure non-partisan. C’est justement la beauté de la chose, puisque des jeunes de tous les horizons sont pour une rare fois regroupés dans une même assemblée, et ce, peu importe leur allégeance politique. 

« Les mots sont des événements, car ils en provoquent »

La journée se déclinait en cinq volets. D’abord, la conférence d’ouverture a été donnée par Christiane Taubira. S’est ensuivie une série de panels simultanés portant sur les nouveaux médias, l’économie de partage, les changements climatiques et sur les raisons qui nous poussent à nous syndiquer en 2016. Ont suivi les conférences de Mme Hélène David, ministre de l’Enseignement supérieur ainsi que de M. Jean-Martin Aussant, directeur général du Chantier de l’économie sociale. 

Une personnalité inspirante 

En ouverture, la présence de Christiane Taubira, ancienne ministre de la Justice française, marquait indubitablement de plein fouet le début du colloque. La prestance de la dame impressionne, rien de moins. La justesse des mots empruntés a tâché de maintenir l’intérêt de l’auditoire : « les mots sont des événements, car ils en provoquent. » Mme Taubira a pris la parole au sujet de la démocratie, et en a profité pour réitérer les grands idéaux de gauche qu’elle tente de défendre, comme la justice sociale, penser à la société dans son intégralité et l’atteinte de l’égalité sous toutes ses formes. « La démocratie c’est le règne du droit, le droit, c’est la règle. La règle, quant à elle, doit être élaborée par la majorité. » 

Inspirantes paroles.

Bien entendu, elle a également fait référence au récent tollé suivant son désaccord avec le projet de loi sur la déchéance de la nationalité, ce dernier l’ayant poussée à démissionner de son poste de ministre de la Justice. Comment garantir nos libertés individuelles lorsque nous sommes confrontés au terrorisme ? Mme Taubira a notamment affirmé que « nous commençons à annoncer notre défaite collective lorsque nous renonçons à nos libertés. » Tout en faisant de forts parallèles historiques sur les événements qui ont précédés certaines grandes guerres, la Seconde Guerre Mondiale notamment, Mme Taubira a su contextualiser  la situation actuelle et le terrorisme pour mieux expliquer son argumentaire. Elle fit également un point sur l’ascension inquiétante que connaît « l’individuation », le terme se transformant en un narcissisme dangereux et destructeur. Le danger actuellement est que l’opinion publique mondiale se base sur des minimalismes. Par exemple, prenons les outils technologiques, ces derniers finiront par nous submerger et fracturent le monde plutôt que de l’unir si l’on écarte la recherche d’un équilibre. Décidément, l’auditoire a accueilli l’idéaliste de grande façon, sous un flot d’applaudissements, voire une ovation. 

Kary-Anne Poirier

Des modèles pour la jeunesse

Lors de sa conférence, la ministre Hélène David en a profité pour souligner l’importance et surtout la préservation des collèges des régions éloignées du Québec. Également, elle a mentionné les grands impacts directs que peuvent avoir les jeunes représentant une première génération d’universitaires tant au niveau micro (dans la famille immédiate par exemple) qu’au niveau macroscopique, en termes de participation dans le reste de la société civile. Qu’en est-il de ceux issus des régions qui doivent bien souvent se soumettre à une délocalisation obligée pour poursuivre des études supérieures ?

« Nous commençons à annoncer notre défaite collective lorsque nous renonçons à nos libertés. »

Rééquilibrer la société

Le troisième conférencier Jean-Martin Aussant, directeur général du Chantier de l’économie sociale fera-t-il un retour en politique ? Qui sait, mais son discours bien inspirant redonnerait peut-être une couleur et un vent de fraîcheur à la scène politique québécoise. Bien qu’il soit souvent associé au projet d’indépendance du Québec, M. Aussant reste porteur de grands idéaux basés sur un équilibre entre l’apport du privé et du public en économie. Peu importe l’allégeance politique, les jeunes présents ont reconnu la puissance du message livré samedi après-midi : un fort message économique basé sur des faits. « Tenez-le vous pour dit, le modèle d’équilibre général en économie : ça ne fonctionne pas ! » Enfin, M. Aussant a proposé fortement aux jeunes de s’impliquer en politique, « surtout si vous n’aimez pas ça, puisqu’il n’y a rien de pire que des gens qui s’impliquent en politique parce qu’ils aiment ce qu’ils voient, cela ne peut que faire perdurer le status quo. »   

Une discussion enflammée

En clôture, animée par Jean-Philippe Cipriani, une revue de l’année et des perspectives pour 2016 a permis à la foule présente d’interpeler directement les experts et observateurs siégeant sur la discussion. En effet, à l’aide de Twitter, les journalistes-panelistes ont réagi aux questions qui fusaient directement des utilisateurs. L’animateur Jean-Philippe Cipriani a tâché à la répartition de celles-là et animait de belle façon le débat. Cette discussion de haut niveau est même devenue bien enflammée par moment. Il faut dire que les principaux experts et observateurs concernés, pensons à Chantal Hébert, Michel C. Auger, Jonathan Trudeau ainsi que Philippe-Vincent Foisy ont su mettre la barre très haute. Les questions, axées sur la politique québécoise et canadienne, nous ont donné un aperçu de ce qui est à venir au courant des prochains mois. Or, la situation politique de nos voisins du Sud est également venue se tailler une place au sein de l’échange. Abordant non seulement la toute récente visite du premier ministre Justin Trudeau à Washington, ils en ont profité pour élaborer quelques prédictions quant aux prochaines élections. Donald Trump a bien évidemment fait sourciller, mais les analystes ont affirmé en quasi-totalité que l’élection du candidat populiste est peu probable. En vain, tournant la fin en humour, on a affirmé que M. Trump n’était décidemment pas le seul à pouvoir faire usage de Twitter. Dans ce ce cas-ci, on parlait bien entendu d’un bon usage face à celui privilégié par le politicien qui est, ma foi, douteux par moment. 


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