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Bombardier en chute libre

La Série C prend du plomb dans l’aile.

Luce Engérant

Les infirmières, enseignants et étudiants ont de quoi être mécontents. Après avoir annoncé des dizaines de millions de dollars de coupures dans ses différents services sociaux, le gouvernement provincial a annoncé jeudi dernier qu’il investirait 1,3 milliard de dollars dans une co-entreprise dont la production est basée sur la Série C du géant de l’aéronautique québécois Bombardier. Rappelons que la Série C était un ambitieux projet de la compagnie québécoise pour construire des avions de plus de 100 places. La compagnie rentrerait alors en compétition directe avec Airbus et Boeing.

Série noire

Initialement, les premiers appareils de la Série C devaient être mis en service en 2013, date qui avait ensuite été repoussée à fin 2015 – début 2016. Suite aux multiples retards, dépassements des coûts et du désistement des compagnies aériennes mondiales, Bombardier a annoncé qu’il lui faudrait maintenant deux milliards de dollars supplémentaires sur les cinq prochaines années pour espérer, un jour, mener à terme le programme de la Série C.

Avant de solliciter l’aide du gouvernement, le conglomérat a étudié divers scénarios avec d’autres investisseurs, notamment Airbus, sans toutefois parvenir à un accord. Le privé s’est en effet montré réticent à investir dans ce projet qui cumule déjà plus de deux ans de retard, et qui n’a pas enregistré une seule vente en 2015. Le ministre de l’économie, Jacques Daoust compte demander au gouvernement fédéral d’investir le même montant que le gouvernment québécois afin de permettre à Bombardier de compléter le programme.

Suite à cet investissement, la totalité des actifs de la Série C sera transférée dans une société en commandite entre le gouvernement québécois qui détiendra 49,5%, contre 50,5% pour Bombardier. De plus, ce dernier aura aussi l’obligation de maintenir ses activités ouvrières reliées à la Série C au Québec pour les deux prochaines décennies, ce qui assurera le maintien des emplois dans la province, estimés entre 1 000 et 3 500.

Le ministre de l’économie mise sur le contrat de 3,4 milliards de dollars du remplacement des appareils de recherche et sauvetage de la flotte aérienne du gouvernement fédéral qui va être accordé au cours des prochaines années pour rentabiliser l’investissement. Selon le ministre, il y a de fortes chances que Bombardier puisse obtenir ce contrat aux retombées économiques importantes.

Ce n’est pas la première fois que les instances gouvernementales viennent en aide à Bombardier. En 2000, le gouvernement fédéral a octroyé des garanties de prêts de plus 1,7 milliard de dollars au conglomérat. En 2008, le fédéral et le provincial ont versé un prêt de 350 millions et 117 millions respectivement pour financer les avions de la Série C. 

Luce Engérant

Double jeu

En contrepartie, la compagnie Dorvaloise n’a pas joué complètement franc-jeu.  En 2014, les fuites d’informations du Luxembourg, « LuxLeaks » révélaient qu’à travers un jeu financier complexe et opaque, Bombardier avait expédié 500 millions de dollars dans le minuscule petit état du Luxembourg afin de ne pas payer d’impôts au Québec. Bien que légale, cette manœuvre de Bombardier, qui bénéficie de très larges subventions de la part de l’État québécois, a grandement nuit à sa réputation auprès de la population qui n’a plus une très grande estime de cette firme et qui, aujourd’hui, conteste cette aide du gouvernement québécois. 

Au dernier trimestre, Bombardier a dévoilé des pertes financières qui atteignent presque le double de sa capitalisation en bourse, ce qui explique la réticence des investisseurs privés à investir dans la Série C. L’action de Bombardier est en chute constante depuis quelques années. Après avoir atteint son prix record de 26 dollars en septembre 2000, le titre a perdu plus de 95% de sa valeur et s’achète aujourd’hui pour 1,42 dollars. L’apparente dépendance de la firme aux subventions du gouvernement québécois augmente un autre facteur de cette dégringolade en bourse.

Finalement, il est intéressant de noter qu’alors que 90% des tests obligatoires ont déjà été effectués, la compagnie a tout de même décidé de se séparer de près de 50% de son investissement. Cela pourrait être un autre signe de précarité pour le constructeur d’avion, qui pourrait être forcé à une restructuration dans les prochains mois. 


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