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Spleen et idéal

Jean Leloup installe et désinstalle son Paradis City au Metropolis. 

Branle-bas de combat au Metropolis depuis jeudi dernier. Jean Leloup, après trois ans d’absence, occupe la salle avec son orchestre et les titres de son dernier disque, Paradis City. Chaque soir, la foule est dense et compacte, impatiente du rendez-vous avec le personnage-chanteur, car on est là pour le voir autant que pour l’entendre.

Un rideau de cabaret en carton nous sépare de la scène, un rideau pour signaler que nous somme assis dans la navette du temps, et que lorsque le concert aura débuté, c’est dans une galaxie lointaine, très lointaine que nous serons transportés. Rideau, donc. À peine le temps d’apercevoir un décor fait de gigantesques fleurs suspendues autour d’un soleil d’or que le chanteur, juché en haut d’une passerelle d’argent, démarre sur les chapeaux de roue. « Isabelle » puis « Barcelone », et puis d’autres encore, succès sur succès, la première partie du concert se déroule dans une ambiance électrique. 

Dans cette soirée conçue comme un feu d’artifice Jean Leloup fait office de chef d’orchestre. Violons, violoncelle et contrebasse lui répondent à l’œil. Pas de pause entre les chansons, sinon un mouvement d’épaule ou de main du coryphée, décidant des transitions musicales. Les arrangements pour cordes se fondent dans cette musique comme si elle avait été composée pour et avec eux. L’inédit est naturel, comme à chaque concert du Roi Ponpon, et la musique n’en n’est que plus belle, la guitare surtout. Car Jean Leloup ce n’est pas que Mick Jagger, c’est aussi Keith Richards, comprendre un guitariste hors-pair. Armé de sa Fender Thinline, le sauvage est imprenable, capable de tenir la ligne rythmique et mélodique à la fois, capable de chanter et sur son chant, d’offrir des variations. 

Entracte. Une lune remplace le soleil de la première partie et la splendeur de Paradis City fait place à la langueur. Des belles filles du « paradis perdu » de la première partie aux amours sans pitié de la seconde, c’est une catabase progressive.  On y joue surtout le dernier album, puisque « tous les chemins mènent en enfer » à Paradis City.  Le spectacle se fait plus intime, plus démoniaque, il y aurait d’ailleurs une étude à faire sur les liens entre Jean Leloup et Baudelaire (même fascination pour la beauté du mal, même engouement pour le « maître Edgard »). 

Deux rappels plus tard, le sauvage, clope au bec, guitare à la main, est assis en haut de sa passerelle. Celle-ci a pivotée de 180° —clou du spectacle —, au-dessus des fronts de la foule, si bien que Leloup « joue de la guitare » comme un pierrot pêcherait des rimes, assis sur son croissant de lune. Il faut croire qu’il est fin pêcheur : la foule chante, et lui, sourit.


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