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L’art de transformer

Le MAC expose les œuvres de Simon Starling.

Luce Engérant

Faut-il définir l’art comme une production esthétique ou technique, comme la recherche de beauté ou comme une construction méthodique ? C’est avant tout le travail, le pouvoir de transformer et le charme poétique de la métamorphose que fait ressortir l’exposition Métamorphologie au Musée d’art contemporain de Montréal. Jusqu’au 10 mai 2015, le musée met à l’honneur les œuvres de Simon Starling, artiste anglais audacieux récompensé du prestigieux Prix Turner en 2005. L’artiste, né au Royaume-Uni en 1967, a étudié à la Glasgow School of Art, et vit désormais à Copenhague.

Sous le commissariat de Dieter Roelstraete du Museum of Contemporary Art de Chicago, Métamorphologie expose les outils des économies de production, de reproduction et de circulation des ressources, de l’énergie, des images et de la matière, en représentant la pierre, le calcaire, le marbre, le platine, l’argent, l’acier et le bois, qui sont au cœur de la démarche de Simon Starling. Photographies, sculptures, installations et images en mouvements sont présentées dans quatre salles successives afin de célébrer le travail de l’artiste, qui repose principalement sur la recherche et l’observation minutieuse de ce qui l’entoure. Il s’inspire de grandes figures de l’histoire de l’art du début du XXe siècle comme Henry Moore, Constantin Brâncuzi ou Marcel Duchamp, dont certaines œuvres sont aussi exposées. 

Pour commencer, sont proposées cinq photographies d’une mine de platine Sud-Africaine, œuvre intitulée Une Tonne II. L’intérêt des épreuves se trouve dans le contraste entre la légèreté de la surface riche en platine tirée à la main et la complexité de l’ingénierie dont l’œuvre résulte. Le contraste apparaît également entre l’échelle colossale de la mine et la structure chimique délicate du procédé de tirage photographique ancien. Il est surprenant de trouver de la poésie dans la représentation d’une mine, et c’est ce charme intrigant qui attire l’œil curieux du visiteur. L’exposition se poursuit avec une série de trente-huit diapositives couleur qui représentent l’activité de bricolage sur une barque en pleine mer. La série porte le titre compliqué d’Autoxylopyrocycloboros (2006), dérivé du mot grec ouroboros, désignant le mythique serpent de l’alchimie qui se mord la queue, et inspire un sentiment d’autodestruction que s’inflige sans fin une société d’humains bricoleurs. 

La salle maîtresse de l’exposition est composée d’installations et de sculptures surprenantes. Un projecteur montre le fonctionnement de la première calculatrice électromagnétique programmable, une voiture est suspendue sur un mur vertical, une sculpture représente un homme coupé en deux, puis il y a une photographie d’une roue de vélo déformée dans un atelier. Ce qui impressionne finalement dans cette immense salle, ce sont les matériaux bruts. Deux énormes blocs de marbre sont accrochés au plafond et pendent, immobiles. Plus loin, Bird In Space 2004, une plaque d’acier de deux tonnes produite en Roumanie est massivement posée contre un mur. Le réalisme frappant de ces œuvres rend compte des évolutions et des changements au niveau du transport des matériaux et des taxes à l’importation, faisant notamment référence à la hausse de la taxe sur l’acier importé imposée par George W. Bush en 2004.

Métamorphologie raconte l’histoire de l’art du XXe siècle, mais plus généralement celle des courant géopolitiques et socioéconomiques structurant le discours de l’art. L’exposition retrace l’histoire archéologique et anthropologique de ces matériaux transformés par l’homme dans son processus capitaliste d’exploitation. Réflexion sur le commerce mondial, Métamorphologie rappelle que l’art, c’est aussi une histoire de matériaux et d’argent.


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