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Terre, Givre, rendez vos versets !

Petit cours d’écriture à l’usage de tous.

Gwenn Duval

J’ai un problème cette semaine. Qui n’en est peut-être pas un. Je parlais d’écriture, je parlais de lecture, je parlais même de futur la semaine dernière… mais je ne t’ai pas parlé, toi lecteur vénéré, de ton rôle dans l’achronique. Quand les mots que voici grimpent à ton esprit, ils se couchent dans le mien. Ils cèdent, d’une certaine façon, à la déviation d’une dynamique intentionnelle. Je m’explique, vous savez bien que je m’explique. Soyez pas cyan, c’était la semaine dernière.

Et voilà, je parle de couverture et de bleu, j’ai encore trébuché sur une hache. Référence ? Quoi, que, comment ? Il fallait suivre, vous dis-je ! Le suis, c’est fait ; le comment, le pourquoi ; nous n’y reviendrons pas. À moins qu’ils ne soient utiles. Évidemment, on ne s’outille pas pour rien, j’ai envie de dire. Étant advenu que je vous ai prévenus, que cela se dise ou pas, j’écris ici ce que je ne dis pas, lorsque je ne prétends pas que c’est ce petit moi-là qui guide le pas. 

Alors voilà, je me demandais, lorsque se couche sur papier, dans une langue, un mot, appartient-il au lecteur de l’interpréter ? Il semblerait que oui, direz-vous. À présent, lorsque se couchent sur un papier, dans deux langues, plusieurs mots censés dicter la loi, et que ces deux langues doivent être reconnues au même titre, est-ce que les nuances de traductions peuvent induire et surtout justifier de différentes interprétations ? 

Vous aurez vu que je ne me casse pas la tête avec ces questions, surtout depuis que les homonymes ont été abolis par mon dictat de la semaine dernière. Écrit dur comme du roc dans l’eau bleue des étangs. Voici, cette semaine, un problème. J’ai trouvé, en mettant le nez dans un sujet d’actualité, un petit détail qui m’a fortement titillée : en français, des synonymes trouvent leur équivalence chez des homonymes anglais. Expliciter ? D’accord.

Un règlement stipule les critères qui rendent un étudiant « eligible » à être instruit en français au Yukon. La définition d’« eligible » y est donnée en équivalence avec « admissible » au point 2 dudit règlement. Au point 5, des critères qui rendent « eligible » l’étudiant sont établis, équivalents cette fois avec « est qualifié » en français. Bon, d’accord, vous doutez de la présence de l’anguille sous roche. Mais ce qui est amusant, c’est la suite. Au point 5, lorsque les critères sont déclinés, sous-point ii), le même terme est encore utilisé, « eligible », relevant de la répétition pure et dure, en anglais le point ii) pourrait être simplement supprimé ; alors qu’en français, nous avons droit à « se qualifie », terme qui n’est pas défini dans ledit règlement en plus d’introduire une forme pronominale qui donne envie, à l’impertinente que je suis, de croire qu’il sous-tend une action, verbe sur lequel le sujet a quelque emprise, s’il réfléchit. 

Bon, ce qui est assez drôle aussi, c’est que la Cour suprême du Canada s’est saisie d’un dossier concernant ces points 2 et 5 du règlement, mais que l’ambigüité de la langue française semble n’avoir titillé personne, ni même ceux qui y trouveraient avantage, mais bon on n’invente pas de nouvelles pages. Je suppose qu’on ne règle pas les grands problèmes de notre société avec des analyses grammaticales, surtout lorsqu’il s’agit justement d’une histoire d’enseignement de la langue française dans un pays bilingue… 


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