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McGill en guerre

Quelques précisions sur l’implication de l’Université entre 1914 et 1918.

Cécile Amiot

Durant la Première Guerre mondiale, 3059 hommes de l’Université McGill se sont enrôlés dans les forces armées actives, 363 au-moins y laissèrent la vie. Cent ans plus tard, les 791 médailles distribuées après le feu sont oubliées. On ne sourcille qu’à peine en entendant que deux « victoria cross » faisaient partie du lot. Et pourtant, la mémoire officielle s’agite encore.

Aujourd’hui, comme à chaque 11 novembre, plusieurs coups de feux retentiront en l’honneur des soldats canadiens morts dans les champs de Flandres, ceux-là mêmes que chantaient John McRae – physicien et poète, invité d’un jour à l’Université McGill –, et qui sont entrés dans la postérité. 

Un bataillon pour McGill 

Bien que l’Université ne prenne pas la responsabilité directe d’un corps militaire, elle soutient activement la recherche, l’entraînement et le recrutement de troupes. Dès 1912, le Contingent de Corps d’Entraînement des Officiers est créé à McGill. Ce centre de formation pour officiers sera directement lié au 148e bataillon des forces expéditionnaires, bataillon composé principalement de Mcgillois et tenant ses quartiers sur le campus jusqu’au départ outremer en 1916. 

Par ailleurs, l’engagement historique de McGill auprès de l’armée canadienne n’est plus à prouver. Ce n’est pas un hasard si Sir Arthur Currie, commandant des forces expéditionnaires canadiennes et héros consacré de la célèbre bataille de la crête de Vimy, sera nommé principal de l’Université de 1920 à 1933. 

Il faut sauver le soldat Beullac

Quand on arpente le registre d’honneur des Mcgillois morts au combat, les patronymes anglophones abondent, McKenzie, McLeod, Metcalfe… Après ceux-ci, quelques Canadiens-français trainent çà et là mais que voulez-vous, McGill était à la couronne !

Un soldat, cependant, sort étrangement du lot. Il s’appelle Marcel Célestin Joseph Beullac et il est … Français ! Né à Montpellier en 1872, il arrive à Montréal avec sa famille en 1874. Après un Certificat d’Études à l’Université Laval, Marcel Beullac entre à l’Université McGill et en sort en 1904 avec un bacc. en sciences appliquées. Les registres des diplômés des années suivantes indiquent qu’il travaille comme ingénieur pour une compagnie appelée Dom. Bridge à Westmount et qu’il est aussi « special lecturer » à McGill.

En 1914, Beullac s’enrôle non pas dans l’armée canadienne mais dans l’armée française, au 16e bataillon territorial du Génie basé à Montpellier. Si bien qu’il est le seul du registre d’honneur à paraître dans son uniforme de Maréchal des Logis ! En 1918, il rentre blessé des combats à Montréal et meurt le 27 janvier.

Marcel Beullac était marié. Il laisse alors dans le deuil sa femme Alice Gravel et son fils, Georges Beullac, né avant la guerre en 1911. Ce dernier deviendra par la suite un important photographe et cinéaste des années 30 à 50, connu aujourd’hui pour les nombreux clichés du peintre et poète, Hector de Saint-Denys Garneau.

Notre Beullac avait par ailleurs un frère qui s’appelait Pierre, ami d’Honoré Beaugrand (maire de Montréal de 1885 à 1887) et membre fondateur, entre autres, de l’Association du Jeune Barreau de Montréal, toujours active à ce jour.

Les femmes pour l’effort de guerre

Si les femmes ne sont pas admises dans les forces armées, plus d’une « Donalda » – surnom donné aux étudiantes de l’Université, seulement admises depuis 1884 ! – participent à l’effort de guerre. 

Sous la direction du doyen de la Faculté de médecine, Dr. Herbert Stanley Birkett, elles vont en France fonder un hôpital général derrière la ligne de front. Après quelques déménagements, en 1916, Le N°3 Canadian General Hospital plante ses tentes et ses 1040 lits à Boulogne. De 1915 à 1919, les « anges blancs » de McGill accueilleront près de 143 762 soldats blessés et feront 11 395 opérations. 

La guerre fait parler, écrire, laisse des traces. Qu’en reste-t-il ? Des symboles. Sur notre campus, on connaît peut-être ce vitrail de St-Georges terrassant le dragon, situé à l’entrée de la bibliothèque Blackadder et dédié aux membres de la fraternité Sigma Phi morts au combat. Exemple incontournable, le stade Molson, fruit de la volonté testamentaire de Percival Molson, riche héritier des brasseurs montréalais, étudiant mcgillois et surtout athlète vedette des années 1910. Bien d’autres vestiges existent et le fonds des archives de la bibliothèque McLennan a décidé d’en exhumer un certain nombre pour le centenaire de la guerre 14-18. Bien lui en a pris !


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