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À vos crayons !

Le dessin, porte ouverte sur tous les possibles.

Éléonore Nouel

Derrière les grands tableaux se cachent l’esquisse, le « pur dessin ». C’est à La Chaufferie que Camilla Vasquez et Claudette Lemay nous ont donné rendez-vous ce vendredi 24 octobre pour un vernissage haut en lignes et en formes. Le cadre minimaliste et intimiste de l’exposition ainsi que la présence de la plupart des artistes exposés ont permis d’avoir une meilleure appréciation des œuvres et du projet artistique qui s’y cache. Du crayon, des traits grossiers, épais, gras ; une forêt. Ou alors des lignes plus fines mais apposées d’une main agile et sûre.

Michel T. Desroches est portraitiste et s’est imposé depuis un certain nombre d’années une discipline : dessiner trois croquis par jour. Trois par jour, plus de 900 par an, Michel « capture » les âmes et les retranscrit à travers ses portraits. Non pas des personnes en particulier, ces visages sont des émotions, « des visages habités et non pas des coquilles vides » affirme-t-il. Le dessin est son « laboratoire », l’essai avant le produit final, une manière d’acquérir une meilleure saisie et maitrise du sujet. À regarder ces dizaines de croquis, trois traits principaux semblent être accentués suivant le visage : le nez, la bouche, les yeux. L’étonnement, la colère, le simple cri, le regard sévère, la joie ; toutes sortes d’expressions quotidiennes et de mimiques sont représentées. 

Pas très loin, une série de neuf petits tableaux carrés attire le regard. Beaucoup de couleurs, les crayons de couleur de notre enfance, des cours élémentaires. Des tonalités bonbons et des motifs à l’aspect naïf semblent émaner la joie et la candeur. Chaque cadre contient un cercle représentant la Terre et nous rappelle les petits bonshommes multicolores que l’on dessinait alors petits pour représenter « le monde de toutes les couleurs où tout le monde s’aime ». Puis l’on se rapproche et l’on se rend compte que ce monde parfait s’avère être une illustration d’événements tragiques. « Tapisserie de l’économie de guerre » ou un vague souvenir de l’opération « Africa Command » en 2008. Des fusils, les ressources naturelles et richesses pillées, volées, le pouvoir et la soumission, les victimes et corps roses qui s’empilent les uns sur les autres sur un fond bleu ciel. L’artiste Stéphanie Morissette nous rappelle que la guerre est un véritable commerce dans un climat où la violence est banalisée. Le sang pour la gloire, la domination pour la puissance, et les responsables qui se délectent et se partagent « le pain d’or » derrière une longue table rectangulaire, autour d’un chef auréolé de victoire, comme une amère référence à La Cène de Leonardo de Vinci.

Sur les quatre murs de la salle se font écho un empilement de personnages calqués par un simple coup de crayon. On voit des forces de l’ordre, des affrontements, et cette sorte de brouhaha perpétuel sorte de brouhaha au centre du dessin où s’entremêlent des corps de manifestants et de policiers. On reconnaît la troublante expression de violence policière durant le conflit social de 2012 au Québec ; une signature de Pascal Cauto. Enfin, des gravures, un carnet de bord dont une tache d’encre chaque fois différente est le seul motif représenté, de l’aquarelle en passant par le pastel, la matérialité à travers des frottis et le mouvement à travers la spirale ; un large panel rendant compte de la pluralité des pratiques du dessin. André Cloutier, un des participants à l’événement, témoigne : « Des œuvres présentées émanent une certaine dynamique, vibration tandis que d’autres semblent être plus difficiles d’accès ; une grande variété technique. » 


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