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Grand Corps Malade à Montréal

Un optimiste aux vocables vibrants.

Julien Mignot

Le théâtre Outremont est tout à fait à propos pour accueillir la tournée du 4e album de Fabien Marsaud. Le spectacle s’ouvre sur « Au théâtre », le premier titre du disque Funambule. « Acte 1, scène 1 », Grand corps Malade se lance sur son premier slam de la soirée, accompagné par Nénad Gajin à la basse, Leslie Bourdin au piano et Patrick Ferbac à la batterie. Le célèbre slameur français n’a pas épuisé son stylo bleu foncé depuis 2006. Après avoir publié un livre, Patients, en 2013, il est de retour sur les planches avec un spectacle difficile à catégoriser.

La musique a pris de la place, les textes a cappella se font plus rares ; en échange il s’arrête un moment pour raconter une conversation qu’il aurait eu avec son fils. Les musiciens ont les premiers rôles, lui le principal. Le public aussi fait partie de la pièce, au second rôle. Une seconde, il se trouve drôle à faire applaudir ou rire la salle sur commande. La soirée se dessine sous la parole du Petit Chaton Bleu, ses regards complices avec tous les spectateurs en même temps témoignent d’une capacité étonnante à s’adresser à la foule.

Pour ce qui en est des textes, les jeux de mots sont à l’ordre du jour, trop nombreux et faciles de temps en temps. On se lasse un peu d’entendre cent fois la même « ligne » ou le même « vers ». Là où Grand Corps Malade touche, c’est quand il les glisse plus subtilement, échelonnées au cours des slams où il parle avec solennité ; les jeux de mots agissent alors comme une soupape, un ressort qui évite que les âmes ne se fendent.

Symbole de la rémission, le slameur supporte ceux que la vie écorche. Avec une dédicace à Laurent Jacqua, écrivain français qui a passé vingt-cinq ans de sa vie en prison, il élargit les horizons. L’écriture rime, pour lui, avec un large spectre de cicatrisations. Parrain de Sourire à la vie, un organisme qui vient en aide aux enfants atteints du cancer, son optimisme vibre lorsqu’il clame, qu’il slame : « et c’est pour ça, faut du cœur et un mental de résistant. » Habile funambule, il trouve l’équilibre entre des textes qui parlent d’amour ou de la vie de tous les jours et ceux qui traitent de sujets plus lourds.

Montréal l’aime, il aime Montréal. Lorsque, vers la fin du deuxième acte, il annonce que le spectacle est presque terminé, la salle gémit : « noooon. » Pour le plus grand bonheur de tous, il revient avec un t‑shirt des Canadiens et rappelle « son pote de Montréal », David Goudreault, qui a fait la première partie, accompagné par le musicien Sylvain Delisle. D’ailleurs, les deux slameurs coopèrent sur le prochain disque de David. Entre la France et le Québec, les langues et les lettres se mêlent. C’est pourquoi, avant de partir, le public du théâtre Outremont se trémoussera sur « Inch’allah ».


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