Aller au contenu

Entrevues Élections : PVQ

Entrevue avec Alex Tyrrell, chef du Parti vert du Québec.

Dans le cadre de sa couverture des élections provinciales 2014, Le Délit vous offre sa 2e série d’entrevues. Entrevue avec Alex Tyrrell, chef du Parti vert du Québec (PVQ).

Le Délit (LD): Vous définissez votre programme comme un programme « éco-socialiste » : qu’est-ce que ça signifie ?

Alex Tyrrell (AT): Éco-socialiste, ça signifie s’occuper de l’environnement mais du peuple en même temps. On propose donc une plateforme qui présente beaucoup de mesures environnementales, mais il est aussi question de faire reculer la surconsommation. On propose aussi la gratuité des transports en commun : c’est un exemple de proposition qui va non seulement être bénéfique pour l’environnement mais qui va aussi dans le sens des idées de justice sociale, qui va permettre une liberté de mobilité et aider les gens à faible revenu à se rendre au travail.

LD : En matière d’éducation, quelle est la politique du PVQ et comment, en tant que petit parti, contribuez-vous à relancer le débat à ce sujet ?

A-Elections-PartiVert

AT : En ce qui concerne l’éducation supérieure, on est pour la gratuité. On veut aussi faire reculer l’influence des corporations dans la gouvernance des universités, qui devraient être gérées par les professeurs et les étudiants. La gratuité, c’est la meilleure façon pour que tout le monde puisse étudier. De plus, le système tel qu’il est maintenant fait en sorte qu’après leurs études, les gens sont obligés d’aller travailler et rejoindre le système capitaliste actuel. On veut aussi réduire le nombre d’élèves par classe au primaire et au secondaire, une mesure qui servirait à lutter contre le décrochage scolaire, et qui servirait à créer des emplois dans toutes les régions.

LD : Une nouveauté cette année, c’est le vote sur les campus des universités et des cégeps : pensez-vous que ça va encourager le vote des jeunes ?

AT : Le processus démocratique au Québec est loin d’être parfait. Surtout, le fait qu’on ne puisse pas s’inscrire pour voter la journée même de l’élection est problématique. C’est également plus compliqué pour les étudiants qui déménagent. Mais le vote sur les campus cette année est un pas en avant. En général, je crois que les jeunes ont beaucoup d’intérêt à influencer le débat politique. Au Parti vert on a une équipe relativement jeune ; moi, j’ai 25 ans et je suis le plus jeune chef de parti politique au Québec. Malgré tout, on est capable d’influencer le débat.

LD : Plus généralement, comment susciter simplement l’intérêt des jeunes pour les enjeux politiques ? Pensez-vous que le message passe mieux quand des jeunes, comme vous, entrent en politique ?

AT : On a vu dans l’histoire récente du Québec que beaucoup de jeunes se sont lancés en politique, au niveau fédéral aussi. Je pense que les jeunes d’aujourd’hui font face à des enjeux très difficiles et commencent à réaliser à quel point c’est important d’être représenté à l’intérieur du système politique formel, et à l’extérieur aussi, dans des groupes environnementaux et communautaires par exemple.

LD : Que pensez-vous de cette tendance de « candidats vedette », de ces gros noms présentés par certains partis ? Est-ce que le PVQ gagnerait à attirer ce genre de candidats ?

AT : On est une nouvelle équipe et on commence. Je suis ici depuis seulement cinq mois et on a eu des difficultés au cours des trois dernières années : beaucoup de luttes internes et une tendance à choisir des positions centristes. Récemment, on a pris un virage majeur et on est en train de reconstruire le parti et l’équipe. On a de très bons candidats, qui ne sont peut-être pas des « vedettes » au même sens que PKP, mais la direction actuelle du parti a reçu beaucoup d’appui et, pour les prochaines élections, on aura sans doute plusieurs personnes qui seront intéressées à se présenter avec nous.

LD : Le débat s’est beaucoup recentré sur la question de la souveraineté. Vous, au PVQ, vous n’avez pas de position sur le sujet : comment vous placez-vous alors dans cette campagne ?

AT : On laisse le libre choix aux candidats du parti. Personnellement je suis fédéraliste, je crois que la souveraineté du Québec – malgré le fait que dans le passé, on l’ait présentée comme une question socio-démocrate – pourrait vraiment amener des mesures d’austérité et des problèmes économiques. Si le Québec se sépare du Canada, le Canada irait encore plus loin à droite, notamment sur les sables bitumineux par exemple, et je crois que la voix de Québec à Ottawa est très importante. Aujourd’hui, les jeunes de ma génération semblent peut-être moins intéressés par la souveraineté. C’est un débat sans fin qu’on mène depuis des décennies, mais je crois qu’il y a beaucoup à faire déjà dans le contexte actuel. Les problèmes qu’on a viennent du niveau provincial, les questions environnementales par exemple. Dans ce cas, la bonne chose à faire c’est de changer de gouvernement provincial, et ne pas tenter d’avoir un autre débat sur l’avenir du Québec.

LD : Un des grands enjeux environnementaux en ce moment, c’est toutes les questions liées à l’exploitation des ressources, notamment le pétrole. Comment proposez-vous de « sortir du pétrole » ?

AT : On est le seul parti qui propose la gratuité du transport en commun et une expansion majeure du réseau : c’est la solution numéro un. Cependant on est contre certains aspects du programme d’électrification des transports du Parti Québécois, surtout parce que les voitures électriques ont des conséquences environnementales graves, il y a tout un processus sale et des déchets radioactifs. On est contre l’idée aussi de subventionner des voitures privées. Pour réduire la surconsommation on propose des écotaxes sur les biens de consommation, pour payer le recyclage. On est contre la fracturation, les sables bitumineux, et on croit que le Québec devrait rejeter ces fonds d’énergie là et prendre une position ferme contre pétrole le plus polluant.

LD : Vous êtes principalement un parti montréalais. Pourtant, vous avec des propositions qui pourraient intéresser les régions, notamment une politique sur l’agriculture. Comment pensez-vous vous étendre à tout le Québec ?

AT : On est en train de construire un parti politique à travers le Québec – historiquement la base du Parti Vert est à Montréal, nos membres sont concentrés ici depuis longtemps. J’ai fait beaucoup d’efforts pour qu’on s’étende dans les régions mais ça prend beaucoup de temps à construire. Cest le travail qu’on va vouloir poursuivre avec intérêt suite aux élections. On a toute de même certains candidats en région, à Sherbrooke par exemple ou à Gatineau.

LD : Comment arrivez-vous à gagner de la visibilité dans les médias, et comment se passe votre campagne, en tant que petit parti ?

AT : Ça va bien pour l’instant, on a eu beaucoup de demandes d’entrevues. C’est la première fois qu’on a du financement public dans la campagne, si on compare avec l’élection de 2012 on a plus d’employés, pour faire la communication notamment, et pour s’occuper des candidats, un budget pour les pancartes, 95% argent vient du financement public. Au contraire du fédéral, où ils ont coupé le financement public, et où les partis doivent maintenant en appeler aux gros donateurs pour financer les partis, on a l’avantage de n’avoir aucune contrainte, personne ne viendra s’acheter une influence dans le parti, donc on est libre de parler de taxer les plus riches par exemple. Les trois grands partis ont des politiques semblables et il est parfois difficile de les différencier. Nous on a adopté une approche inverse, on marque clairement notre programme, on est plus radicaux, ça alimente des intérêts et ça nous aide à nous faire connaître des électeurs et des grandes chaines médiatiques

LD : Aux élections de 2012 vous avez obtenu à peine 1% des votes. Pourtant en 2014 les questions environnementales devraient être au cœur des préoccupations des électeurs. Comment relancer le vote vert ?

AT : Nos résultats en 2012 n’étaient pas très bons. C’était en fait le résultat de plusieurs années de lutte interne, le parti a alors eu du mal à faire valoir son point de vue politique. Dans ces élections on présente des candidats dans près du tiers des circonscriptions. On se concentre beaucoup à Montréal où on a beaucoup d’appui ici d’ailleurs, mais on est conscient que les électeurs n’ont pas tous l’option de voter pour le parti vert dans leur comté donc on est en train de préparer un projet à semi-long terme. Cette année on veut se démarquer pour que les électeurs comprennent notre idéologie et ce que peut apporter le parti. On a déjà vu des vagues politiques, qui viennent rapidement, alors pour nous rien qui est impossible, on va être prêt dans tous les cas. On a un projet à long terme et je crois qu’un jour il va falloir que les électeurs cessent de voter stratégiquement pour un des trois grands partis ; le Québec pourrait être servi de remplacer par les petits partis. Il faut un renouvellement car pendant des années on a eu la même élite au pouvoir, le même groupe de personnes, avec différentes marques certes, mais les idées restent les mêmes.  On’est plus un parti avec un unique enjeu ; le message est lancé très clairement et on va continuer dans cette direction-là. On est conscient que pour former un gouvernement, il faut se prononcer sur tous les sujets que couvre le gouvernement provincial. On a pris un virage majeur sur les enjeux environnementaux mais aussi sur tous les enjeux de société.


Articles en lien