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À la porte

Manifestation pour le droit au logement à Saint-Henri.

Exprimer son désaccord concernant les choix de Montréal sur l’accessibilité aux logements sociaux. Voici le mot d’ordre de la centaine de personnes présentes pour manifester le samedi 1er février, station Place-Saint-Henri. Ce rassemblement s’inscrit dans une série d’actions locales du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). Alors que les annonces de condominiums à vendre ou à louer continuent de se multiplier dans l’arrondissement du Sud-Ouest, le nombre de logements sociaux varie peu.

Dans un premier temps, les manifestants revendiquent la construction immédiate de 2800 unités de logement sociaux à Côte Saint-Paul, Ville-Émard, Petite-Bourgogne et Saint-Henri. Le but est de venir en aide aux 2800 ménages consacrant plus de 50 % de leurs revenus mensuels au loyer.

Dans un second temps, le FRAPRU aimerait qu’au lieu d’accorder 3 000 unités de logements sociaux par année, le gouvernement construise au moins 50 000 logements sociaux neufs dans les cinq prochaines années pour répondre aux besoins minimums des locataires de ces quartiers. De plus, les organisateurs cherchent à dénoncer le phénomène de gentrification, qui pousse les familles aux revenus modestes à s’installer en banlieue de Montréal, compte tenu des nouveaux loyers.

Patricia Viannay, employée du Projet Organisation Populaire Information et Regroupement (POPIR)-Comité logement et organisatrice de l’événement, dénonce la transformation de ces quartiers historiquement populaires. En entrevue avec Le Délit, elle dit que « les gens qui habitent ici ont toute leur histoire dans ces quartiers. Ils sont expulsés après 30 ans de leur appartement car Montréal a décidé [de l’utiliser] pour en faire un condo. Ils sont ensuite relogés dans des logements sociaux à Lachine ou Laval, et c’est un déchirement parce que ces quartiers, c’est leur identité. De plus, beaucoup n’ont pas d’auto et le fait de les excentrer à un impact important sur leur quotidien ».

Les organisateurs de la manifestation souhaitent redonner la parole à cette partie de la population, trop souvent oubliée par le système. Malheureusement, il est souvent difficile de se faire entendre par le gouvernement et c’est pour cette raison que le FRAPRU et POPIR-Comité logement multiplient les actions. Patricia explique ainsi : « l’année dernière, on a squatté un terrain pendant une semaine pour avoir 2000 logements sociaux en réserve, donc on est entendu à condition de faire beaucoup de bruit et de se mobiliser beaucoup. »

Des priorités mal placées

Le message que souhaitait faire passer le FRAPRU est que l’argent nécessaire existe, mais qu’il est mal utilisé. « Il y a un problème au niveau du Québec et encore plus au niveau fédéral. Au fédéral, ils ont annoncé 3,5 milliards de surplus [dans leur budget], puis ils continuent de refuser de financer du logement social. Au niveau du gouvernement du Québec, on nous parle d’austérité, mais on voit bien avec tout l’argent investi dans le quartier que l’argent est là. Après, la question, c’est où on le dépense et à quelle fin », constate Patricia Viannay.

Un débat socio-politique de fond

Richard, un manifestant, explique en entrevue avec Le Délit qu’il est très difficile pour bon nombre de gens de s’adapter à l’augmentation du coût du logement. « Pour quelqu’un qui a un budget limité et un travail pas trop payant, c’est pas facile. Ça pose la question de la responsabilité de l’État. Ils sont à l’écoute, mais ce qu’il manque, c’est les actions. Notre objectif, c’est celui de réserver des terrains pour les gens qui n’ont pas les moyens de pouvoir s’acheter quelque chose dans le privé. »

D’un point de vue plus analytique, Richard souligne une valeur en filigrane du débat : la place que notre société souhaite accorder à l’État. En effet, face à ces familles démunies, il est de la responsabilité de chacun de décider, à travers le processus démocratique, des valeurs sur lesquelles nous souhaitons bâtir notre société. Patricia dit que « notre problème, ce n’est pas les gens qui achètent les condos, eux aussi ils sont endettés. Notre problème, c’est ce système qui favorise le logement comme marchandise plutôt que le logement comme droit ».

La mobilisation continue : une nouvelle action aura lieu le 25 février, dans le quartier de Saint-Henri, (afin d’interpeler le gouvernement fédéral  qui, depuis 1994, réduit progressivement ses subventions allouées aux logements sociaux). Autre fait important à noter, de 2011 à 2020, c’est 31% des conventions avec le fédéral qui vont arriver à terme, et leur renouvellement est plus qu’incertain.


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